Un très beau film dans lequel les inspecteurs et commissaires sont encore en costume-cravate et dont la tenue vestimentaire ne se confond pas avec celle des voyous de nos jours !
Second souffle ? Melville n'en a pas eu besoin pour faire cette singulière histoire, passionnante jusqu'au bout. Première de sa seconde période dit-on ? Métaphysiqe bateau
Avec tout d'abord, le scénario en bêton armé de Giovanni, dont bien des scribouillards de polars télévisés low-cost du service public devraient prendre de la graine : un récit fluide, sobre, efficace, palpitant, simple à suivre... Et qui ne cache pas son absence de talent derrière des flashback incessants, des légendes locales neuneus, et autres parcours labyrinthiques délirants.
Mais à ce qui aurait pu constituer un très beau film policier, et ça n'aurait déjà été pas mal, Melville ajoute en prime une esquisse d'analyse sociétale du milieu :
Les gangsters ? Ces montagnes de crapules prêtes à tuer froidement pour du fric ne nous inspirent pas un phénomène de rejet mais nous captivent par la seule qualité qu'ils aient encore conservé : un code de l'honneur. Leur dernier rempart contre la chute dans le monde animal ! Un sujet qu'affectionne ce grand angoissé solitaire : la trahison. Melville rejetait l'amour pour éviter cette cruelle humiliation qui est d'être d'avoir été berné ...
Et d'une manière perfide, il critique "l'air de rien" les méthodes employées par les flics de l'époque pour faire avouer les voyous qui s'enfermaient toujours dans une omerta. Dans son générique de début, Melville "faux-jeton" prévient que ce film n'est pas une critique policière mais une oeuvre d'imagination. Bref nous refait le coup de "Toute ressemblance avec des personnes existant..."
Mais ici, il va encore plus loin pour éviter la censure... A part avec ses comédiens, il savait prendre parfois prendre des gants.
Le rôle féminin (le seul) de Christine Fabrega est plus ambigu : Manouche, vit, elle est crédible, mystérieuse mais on dirait le réalisateur mal à l'aise... Quant on pense que tous ces comédiens sont aujourd'hui disparus...
Un autre volet qu'on n'aperçoit qu'en voyant et revoyant cette histoire, les clins d'oeil au spectateur : comme ce malfrat qui va, préalablement à une réunion musclée, miner le terrain d'entente en planquant un flingue au-dessus d'une armoire et en s'entraînant à l'attraper "à l'aveugle". Je ne vous dis pas la suite : là est tout le suspense !
On ne regrette pas qu'un projet initial avec une distribution différente ait avorté: celui-ci est quasi-parfait. Il bénéficie ici d'une pléiade d'artistes de talent où presque chaque comédien est qui il faut là où il faut. Et on apprécie dans son registre flegmatique habituel, un Paul Meurisse grandiose qui se livre à un aussi amusant que curieux one-man-show sur l'explication des règlements de compte entre la pègre...! Personne n'a rien vu, rie entendu, et si des clients de restaurant sont partis sans finir leur entrée, c'est qu'ils n'avaient plus faim ! On voit aussi Christine Fabrega qui fut animatrice de télévision, dans 'Le mot le plus long" et aussi aux "Jeux de 20 h"
Malgré la longue durée de ce film, on ne se lasse pas un seul instant de voir et revoir l'intrigue et même lorsque je le retrouve, c'est tellement riche que jje mme rends compte que des facettes m'avaient jusque là échappé.
Le noir et blanc ajoute à la tension palpable sur le plateau, le dépouillement, l'austérité des décors aussi, et Melville avait la réputation de ne pas ménager ses acteurs ! Nos nerfs non plus ! Un million de spectateurs en salles à l'époque (1966) malgré la concurrence TV, et malgré l'absence de couleur et de Cinémascope !
willycopresto

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le 28 nov. 2017

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