En ces années d’après-guerre et dans une période de refoulement des humiliations de 1939-45, il n’était en fait pas bienvenu de filmer la passion amoureuse et charnelle de deux amants de 1917, surtout lorsqu’il s’agit d’un mineur et de l’épouse d’un soldat mobilisé. Le caractère sulfureux du roman convient ici admirablement à la personnalité d’Autant-Lara, qui prend position pour Marthe et François et dénonce l’hypocrisie des bien-pensants, incarnés notamment par le minable couple de logeurs (Pierre Palau et Jeanne Pérez), pris au piège du conformisme et de la stigmatisation. Le cinéaste est curieusement plus indulgent avec les figures parentales, l’autoritaire mère de Marthe (Denise Grey, grandiose) comblant son conformisme par un réel amour maternel.
et que dire de l'interprétation de Gerard Philipe qui a 24 ans joue le jeune François agé de 17 ans, d ailleurs cela lui vaudra un prix a Bruxelles.
Cette œuvre clairement antimilitariste est aussi délibérément féministe, Marthe assumant librement ses désirs et sa sexualité au-delà des convenances que la société et sa famille lui imposent.
Sur le plan esthétique, le film frôle la perfection, avec sa structure en flashback, sa photo superbe, ses audacieux mouvements de caméra (le plan sur le feu de cheminée quand Marthe et François font l’amour) et les remarquables décors de Max Douy marquant l’apogée d’un certain cinéma de studio. Gérard Philipe, devint après ce rôle la coqueluche du cinéma français, jusqu’à sa mort douze ans plus tard. Micheline Presle, d’une sincérité déchirante, a un jeu d’une modernité et d’une sensualité bien en avance sur son époque.