Pas besoin d’avoir vu Le Dictateur pour savoir qu’on se trouve face à un classique, tant le film a fait parler de lui au regard des sujets qu’il aborde. À l’aube de la seconde guerre mondiale, alors qu’Hitler met en place son plan d’extermination des juifs et envahit la Pologne, Charlie Chaplin décide de réaliser un film à charge contre les régimes totalitaires européens. Chaplin incarne ici une parodie d’Hitler, démontrant par l’absurde que le IIIe Reich est bâti sur le charisme et les gesticulations d’un seul homme, qui profite de l’aveuglement des masses acquises à sa cause en leur promettant un avenir meilleur et en désignant des boucs-emissaires.
De ce point de vue, le film est une réussite. Il est bien écrit, la parodie est efficace et suscite la réaction escomptée, notamment lorsque Hitler et Mussolini se lancent dans un jeu de domination (qui rappelle étrangement Trump dans ses poignées de main avec d’autres dirigeants) et dans un concours de qui a la plus grosse… armée. La mise en scène est parfois inspirée et sert le propos. Le message étant particulièrement osé à l’époque, c’est probablement cela qui a fait entrer ce film dans la légende, comme un pamphlet à charge contre la guerre et les régimes totalitaire ; comme une ode au vivre ensemble dans des temps difficiles. Le discours final de Chaplin restera, à cet égard, un grand moment de cinéma.
D’un point de vue formel, on perçoit la transition entre le cinéma muet et le cinéma parlant pour Chaplin. Dans de nombreuses scènes, il reste muet là où des paroles auraient pu se greffer. Ainsi, il profite de son talent pour faire passer des émotions par ses mouvements, et cela donne au film un côté hybride particulièrement intéressant. Malheureusement, je dois avouer que j’ai trouvé le film parfois un peu redondant, avec quelques baisses de rythme. Le comique de répétition est risqué en ce sens que si une blague ne fait pas rire à la première tentative, une scène pourra paraître interminable lorsqu’elle se répétera plusieurs fois (la scène du tapis rouge à la sortie de Napoloni du train en est un parfait exemple). Et puis, à titre très personnel, je dois avouer que du peu que j’en ai vu, j’ai un peu de mal avec le style Chaplin, comme j’ai du mal avec le style de Funès. Quand tout est trop appuyé, ça a tendance à me sortir d’un film. Ses gesticulations se rapprochent finalement de l'homme qu'il dénonce. Cela reste un défaut très subjectif, et je comprends parfaitement (au vu des nombreux rires provoqués par le bonhomme dans la salle), que cela est loin d’être partagé.
Même s’il me laisse sur ma faim, Le Dictateur reste un grand moment de cinéma car il marque à la fois un tournant dans l’histoire de ce média. Il marque aussi un tournant dans l’Histoire tout court, montrant la révolte d’un homme contre une idéologie, qui se matérialise par la résistance des personnages de son film.