C’est bien simple, il s’agit de ma plus belle rencontre fordienne depuis dix ans, depuis ma découverte de L’homme qui tua Liberty Valance. J’imagine que la forte imprégnation religieuse peut gêner, puisqu’en plus d’être une relecture du mythe des Rois Mages, le film est parcouru de symboles explicites, à renfort de bible, nouveau-né, étoile du berger, ânesse et son petit.


 Moi j’adore, d’une part car l’on sait les croyances de Ford, ce serait comme dire qu’on est gêné par le jansénisme bressonnien ou la mystique tarkovskienne. D’autre part car la dimension miraculeuse sert aussi ce récit de cow-boy en fuite en plein désert, faisant vite la route sans leur monture, volatilisée après avoir affronté une tempête de sable, puis bientôt sans eau, avant de retrouver la foi face à l’apparition de cette femme sur le point d’accoucher, leur demandant de s’occuper de son enfant, en les sacrant parrains.
C’est aussi par son glissement que le film s’avère agréablement surprenant, glissement qui s’immisce d’emblée que les trois cowboys arrivent en ville pour faire leur casse : ils font une halte devant un portail sur lequel est écrit B.Sweet, vont en rire avec le bien nommé, boire le café que son épouse va leur offrir, avant de découvrir que Buck Sweet n’est autre que le shérif du village. Il y a déjà cette incongruité, à la fois douce et violente.
Le simple casse se transforme bientôt en fuite désertique, ralentie par le la blessure de l’un d’eux, avant qu’il n’y ait plus rien d’autre que la quête pour sauver le nourrisson. Par cette drôle de destinée, le film trouve ses plus belles inspirations, aussi bien dans son récit de survie – extirper l’eau des cactus, donner le biberon au bébé, le protéger de la chaleur, rejoindre un village – que dans sa forme, ses cadres, ses couleurs, à l’image de cette roulote perdue entre les dunes, de cette longue traversée d’un lac salé ou de cette arrivée providentielle dans les grottes.
Il fait chaud dans la vallée de la mort, le ciel est écrasant, les sols sont hirsutes, les corps s’affaissent, les gourdes deviennent le Graal, et Ford, ça, en rend compte à merveille. J’aime tellement ce qui se joue entre ces trois hommes, la relation qu’ils nouent chacun avec l’enfant, le running gag autour de son prénom, dommage qu’on insère ci et là les avancées du shérif et ses hommes. Quant à la fin, on peut là aussi la trouver excessive dans sa volonté de confirmer la dimension religieuse, on peut aussi être ému par l’humanisme qui s’en dégage, cette légèreté apparente mâtinée d’une certaine gravité, qui en fait une sortie absolument bouleversante.
JanosValuska
8
Écrit par

Créée

le 1 août 2018

Critique lue 357 fois

3 j'aime

2 commentaires

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 357 fois

3
2

D'autres avis sur Le Fils du désert

Le Fils du désert
Docteur_Jivago
7

Baby on Board

Les films s'enchainent mais ne se ressemblent pas pour John Ford, toujours capables de se renouveler ou d'offrir une nouvelle vision dans un même genre. La même année que le génial Fort Apache, il...

le 24 avr. 2016

29 j'aime

6

Le Fils du désert
Ugly
6

Trois sublimes canailles

Je le dis d'emblée, je considère ce film comme un Ford mineur, mais avec une totale prise de conscience qu'il y a tout de même un effort accompli, et un profond respect pour un réalisateur que...

Par

le 27 févr. 2018

19 j'aime

26

Le Fils du désert
PierreAmo
8

Trois hommes et un couffin.Trois larrons en Rois mages.Fable pieuse.Martyrologe de Ford.

Un Western qui marche comme film de Noël: La gâchette des rois? La Rédemption de trois bandits par une bonne action de samaritain: Saints pénitents? "Deux Hommes et un Mexicain" diraient Trump et une...

le 10 nov. 2021

14 j'aime

14

Du même critique

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

30 j'aime

4

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

27 j'aime

6