Une poignée de terre- Une carte- Un fantasme de gloire
De la découverte de la terre à l’extermination des indiens en passant par la fondation, le droit du sol est un thème central de l’histoire des Etats-Unis.
Inconsciemment, le pays a été construit sur ses valeurs de conquête (le mot est d'ailleurs souligné à de maintes reprises dans le film) et de violence entre les classes.
La culture américain met en avant les valeurs de ténacité et de persévérance, d’autres capacités comme la créativité sont tenues en retrait. Il n'y a pas de place pour ce qui est petit ou insignifiant, tout doit être grand et colossal, la démesure est présente dans ses grands parcs d'attractions ou encore dans cette culture alimentaire majoritaire aux Etats-Unis : la junk food avec ses hamburgers toujours plus grands et gras.
Le film fait un choix fort : il ne parlera pas de MacDonald et de la culture américaine qui se diffuse à travers le monde mais le long-métrage décide de tracer le portrait de l’entrepreneur Ray Kroc.
Dès la première séquence, ce personnage s'adresse au spectateur face caméra et veut nous vendre un produit, ce fameux mixer multitâche révolutionnaire. L’objet pourrait être une machine à café ou un moule à tarte, cela n'a que peu d'importance mais il faut vendre son produit pour réussir à gravir l’échelle sociale et gagner sa vie. Directement le plan bascule du côté de l’autre : l'acheteur non intéressé par le produit. Que ce soit l’absence de contact chaleureux avec sa femme ou les multiples moqueries et humiliations de ses concurrents du Club, l’autre sera toujours un problème chez Ray Kroc.

L'autre est un danger suprême qu'il faut soit dévorer pour être le meilleur soit humilier pour montrer qu'on est un loup.
Dans cet individualisme à outrance, le commerce ne pardonne rien, c'est un paradis des clauses, la personne le mieux armé en connaissances gagnera la partie. C'est une guerre sans gagnants où on s'affronte au lieu de s'entraider.
Ray Kroc n'a pas de talent propre si ce n'est la ténacité et de mordre la balle jusqu'à ce que ne voit plus le jaune. Il arrive à comprendre l'environnement dans lequel il vit et il est à la recherche de la moindre opportunité avec les outils des autres. Il a reniflé la bonne affaire avec ce concept de fast-food crée par les frères MacDonald et en a retiré les meilleures idées. C'est le portait moderne de l'opportuniste qui se sait se placer dans une société spectaculaire et marchande.
En pleine mutation économique et sociale aux USA, le projet de Ray Kroc consiste à transformer le restaurant MacDonald en église du XXIème siècle. Le caractère divin sera l'arche jaune qui illuminera
ce lieu social où se retrouvent les jeunes et les moins jeunes en dégustant l'eucharistie, c’est à dire le corps ( le pain du burger) et le sang ( le sacre Coca-Cola) de Dieu.
On fera forcément un clin d’œil à l’excellente parodie des Inconnus « Jésus 2 » et la scène du repas des fidèles.
En plus d’avoir le fantasme de la terre, d'être le Christophe Colomb du XXIème siècle Ray Kroc a surtout le fantasme d'être Dieu.
A l'inauguration du premier MacDonald, des acclamations et des sourires accueillent le personnage dans un rêve fou de grandeur et de décadence.
Tout au long de sa marche sainte, Ray Kroc est à la recherche de fidèles, des collaborateurs qui investiront dans le fastfood et qui le feront grandir.
Il sera particulièrement touché et embauchera un juif qui vend des bibles car " il faut tout vendre" dans le business.
Cette approche singulière et la détermination de cet homme lui renverront à lui-même et ses idéaux.
Cependant, le portrait se rapprochera plus de Judas : il n’hésitera pas à trahir les frères MacDonald qui ont créé et fait vivre le concept, ou encore à divorcer avec sa femme et à se séparer de ses amis.
" On s'en fera des nouveaux" déclare-t-il avec un sourire malicieux à ses femmes.
Le film fait aussi le portrait de l'évolution des conditions de travail aux USA avec la restauration rapide, les employés ici ne deviennent que des machines au service du capital, ce sont des automates dirigés par la voix du manager.
Tout en restant dans une approche classique du biopic, le film réussit à faire basculer le récit dans une profonde critique du franchisage. Sans jamais moraliser le spectateur et en lui laissant son libre-arbitre, le long métrage fait le constat de la mutation historique du travail aux USA sous les années Reagan.

PierreDescamps
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le 30 déc. 2016

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PierreDescamps

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