Pianiste, puis vendeur à l’idéologie parfois houleuse, le très ambitieux Ray Crok n’a jamais eu pour raison de cacher son amour pour le pouvoir. Un trait de caractère qu’il a su mettre à profit des années durant, lui qui a toujours juré que « si vous ne prenez pas de risques, vous n’avez rien à faire dans le business ». Visionnaire accompli aux méthodes de travail flirtant avec le déraisonnable, l’homme d’affaire rencontre les frères MacDonald’s dans les années 50 et rachète la chaîne en 1961. La suite est à l’image de la réussite de la chaîne de restauration rapide qui, aujourd’hui encore, nourrit 1% de la population mondiale. Très honnête lors de la présentation du film aux médias américains, le réalisateur John Lee Hancock (« Saving Mr. Banks ») a avoué ne rien connaître des débuts de MacDonald’s en précisant qu’il avait une affection particulière pour Crok à ses débuts, pour finalement ne plus approuver sa conduite de vie. Une anecdote intéressante dont il a su de détacher au moment de l’élaboration du projet avec l’aide de son scénariste. En plein boom économique, l’Amérique d’hier, en proie au capitalisme moderne, y est parfaitement retranscrite : au-delà de vraisemblablement sentir l’aura du rêve américain, le soucis du détail est à l’honneur et la bonne idée, de tout à chacun, germe chez le voisin.
En véritables maîtres d’armes, Michael Keaton, Nick Offerman et John Carroll Lynch s’approprient leurs personnages avec une aisance déconcertante, sans pour autant dire que l’histoire ne puisse rattraper la réalité (mais il convient de le signaler). Sous-fifres, têtes pensantes ou démagogues, chaque protagoniste apporte au « Fondateur » sa raison d’exister et son importance prépondérante sur l’industrie du biopic d’aujourd’hui : rarement une histoire n’aura touché autant de monde que celle-ci (et sous de bien nombreux aspects). Ultra réaliste, percutant, riche d’enseignement et film très névrosé, « Le Fondateur » est une implacable réussite qui doit aussi et surtout son succès à son chef-décorateur Michael Corenblith, ainsi qu’à ses équipes. Désireux de travailler dans les meilleures des conditions possibles (avec un résultat probant à la clef), ils n’ont pas hésité à aller visiter le musée exposant une collection de photos d’époque.
Cette détermination retranscrit clairement à l’aura du spectateur qui, loin de se sentir « personnellement » touché par cette histoire, ne peut que saluer le soucis du détail.
Si « Le fondateur » faisait encore parti de la fameuse liste noire des meilleurs scripts n'ayant pas trouvé de financements en 2014, cette page est à tourner. Peut-être parce que, selon les mots de Crok, « Quand vous êtes vert, vous grandissez. Quand vous êtes mûrs, vous pourrissez ».

Charles_Dervaux
8
Écrit par

Créée

le 22 nov. 2017

Critique lue 325 fois

Charles Dervaux

Écrit par

Critique lue 325 fois

D'autres avis sur Le Fondateur

Le Fondateur
AlexandreAgnes
4

Tell me something I don't know

Après The Social Network et Jobs, Hollywood allonge la liste de ses portraits d'anti-héros ambitieux ayant façonné une marque à l'impact socio-économico-culturel international à grands coups de...

Par

le 4 janv. 2017

28 j'aime

6

Le Fondateur
Eric31
8

Critique de Le Fondateur par Eric31

En 1937, Patrick McDonald fonde « l'Airdome », restaurant sur la Route 66 près de l'aéroport de Monrovia en Californie... lequel sera déplacé à 64 km à l'est de San Bernardino et rebaptisé McDonald's...

le 31 déc. 2016

20 j'aime

4

Le Fondateur
doc_ki
8

Sérendipité et compagnie

Bonjour et bienvenue dans ma critique du fondateur.Kesako ce titre à la con...quest ce que la Sérendipité : c'est la decouverte d'une chose, par pure hasard... souvent...la chance de tomber sur une...

le 7 sept. 2023

14 j'aime

11

Du même critique

Kon-Tiki
Charles_Dervaux
8

Critique de Kon-Tiki par Charles Dervaux

Il est assez difficile de donner un ton critique au cinéma norvégien car, peut importe le contexte, cet univers à lui-même ne sait faire que régaler et émerveiller. Très proche visuellement des...

le 10 oct. 2014

4 j'aime

3

Arizona Junior
Charles_Dervaux
4

Critique de Arizona Junior par Charles Dervaux

Les frères Coen ont toujours été considérés comme les rois de l’absurde que rien ni personne ne pouvait arrêter. Ils l’ont prouvé à de multiples reprises à travers Burn After Reading comme A Serious...

le 16 mars 2015

3 j'aime

Le Mytho
Charles_Dervaux
8

Critique de Le Mytho par Charles Dervaux

Une fois n'est pas coutume, les révélations cinématographiques sont souvent là ou l'on ne les attends pas vraiment. "Le mytho" correspond parfaitement à cette catégorie de production, du fait de son...

le 28 févr. 2016

2 j'aime