A l’occasion du PIFF 2015, le Grand Rex a organisé une nuit Japanimation pour tous les amateurs afin de découvrir quatre longs-métrages : Mind Game, Short Peace, Jin-Roh et enfin Le Garçon et la Bête (The Boy and the Beast – Bakemono no ko) en avant-première, qui n’est autre que le dernier film de Mamoru Hosoda.


Petit rappel sur ce réalisateur, qui a déjà à son actif pas moins de sept films, dont les trois premiers basés sur des licences (Digimon et One Piece). Ses films suivants concrétiseront le talent du monsieur, avec La Traversée du temps, Summer Wars et Ame & Yuki – Les Enfants loups. Régulièrement cité comme le successeur idéal à Hayao Miyazaki, il est difficile de le confirmer tant ses films, même si on y trouve des thèmes communs, parlent de choses bien différentes avec des sujets plus modernes et actuels. Le Garçon et la Bête, prévu pour janvier prochain en France, parvient encore une fois à montrer que oui, Mamoru Hosoda n’a aucunement perdu de son talent, tout en réussissant à le conserver dans son propre studio d’animation, le Studio Chizu.


Le film narre l’histoire de Ren, jeune garçon qui vient de perdre sa mère, tandis que son père, parti il y a longtemps, demeure injoignable. Désirant trouver son indépendance et s’enfuir de ceux qui l’abandonnent, il rompt tout contact avec le reste de sa famille pour vivre selon ses règles, dans le quartier de Shibuya à Tokyo. Il fait alors la rencontre de Kumatetsu, un ours anthropomorphe, qu’il finit par suivre, et se retrouve projeté dans un monde rempli de bêtes, celui de Jutengai. Kumatetsu va alors le prendre sous son aile pour en faire son disciple et ainsi combattre son rival pour gagner le droit d’être le seigneur du coin. Encore une fois, Hosoda sort des sentiers battus et nous offre un mix entre Karaté Kid et un buddy movie. Ce duo de personnages fait mouche instantanément : Ren/Kyuta est un jeune garçon au caractère bien trempé mais possédant une vraie rancœur contre le monde entier, alors que le souvenir de sa mère est encore très vivace (et symbolisé par la petite créature qui l’accompagne partout). Kumatetsu quant à lui, est un vrai ours mal léché, autodidacte mais ayant vécu dans une profonde solitude, ce qui lui a permis malgré tout de trouver sa voie et de devenir un combattant hors pair. Quand l’alcool ou son sale caractère n’entrent pas en jeu.


Evidemment, Ren va trouver en cette bête un père de substitution, et Kumatetsu y voit quelqu’un qui l’accepte et le supporte enfin. Le duo fonctionne parfaitement : les scènes entre les deux sont celles qui fonctionnent le mieux, ils cherchent constamment à se confronter, toujours dans un esprit perpétuel de compétition. Ça donne des moments très drôles, renforcés par les deux acolytes de l’ours, Tatara et Hyakushubo, les deux faces d’une même pièce qui observent les événements de loin sans s’empêcher d’émettre des commentaires souvent piquants ou de donner quelques conseils. Le film compense une petite perte de rythme vers le début de la seconde partie par une variété de situations qui permettent au métrage de tenir la distance. On passe allègrement entre Shibuya et Jutengai, avant un final assez explosif qui n’hésitera pas à en mettre plein la vue sans jamais perdre ses personnages.


C’est d’ailleurs la grande force de Hosoda : même lorsqu’il s’attaque à un genre a priori plus classique – on s’attend à voir de la baston -, ces séquences de combat ne sont jamais gratuites et n’impressionnent pas par leur extravagance et une chorégraphie survoltée. Le réalisateur a toujours le chic pour proposer une mise en scène souvent en retenue, délicate et toujours limpide, et ces séquences ne dérogent pas à la règle : elles proposent une tension et une force non pas à cause des actions des combattants mais plutôt par leurs symboliques et leur importance dans le développement des personnages. Il n’y a pas de gras : chaque scène approfondit ce duo de personnages jusqu’au climax final touchant et émouvant. Le réalisateur touche à ses thèmes habituels : on retrouve le passage à l’adolescence, la difficulté d’être père, le tout relié autour du concept de la famille, un thème cher à tous les films de Hosoda. On notera même une forte allusion à Moby Dick, histoire de symboliser le miroir de l’âme des personnages. Comme d’habitude dans les films de l’artiste, son style graphique est simple et épuré. Les personnages possèdent un design fort, reconnaissable entre tous, et les bêtes ne sont pas en reste. On n’est pas encore au niveau de la maîtrise des films Ghibli, mais il s’en dégage un charme indéniable et magnifique. Hosoda plonge à fond dans le fantastique (transformations, petite créature à la Miyazaki, pouvoirs et magie), et ce n’est pas pour nous déplaire.


Au final, il est compliqué de reprocher quoi que ce soit à ce petit bijou d’animation. Sensible, touchant, émouvant, il regroupe toutes les qualités d’un film de Hosoda. Il conserve les thèmes qui lui sont chers, arrive à porter tout cela dans un style de film qu’il n’a jamais testé (le film d’arts martiaux – l’art de la maîtrise de soi, de son corps et de sa moralité), avec un brio presque insolent. On peut peut-être lui reprocher une baisse de rythme vers le milieu du film, mais sans jamais sentir pour autant de scènes en trop. Le Garçon et la Bête concrétise toutes les qualités du réalisateur, qui, avec son quatrième film original, nous conforte dans l’idée qu’il a déjà tout d’un grand.

Cronos
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le 26 nov. 2015

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