Le scénario invisible

Un film sur un garçon super-héros de 13 ans ? Avec ses problèmes d'adolescent qui sont davantage mis en valeur que de quelconques exploits héroïques ? Fait par un studio non pas américain, mais italien ? Une telle entreprise attire immédiatement la curiosité et la sympathie. De quoi sont donc capables nos voisins italiens avec leur ado qui peut devenir invisible ?

Les intentions modestes sont charmantes, le film utilise bien son budget non-hollywoodien pour faire quelque chose de propre et surtout l'acteur principal est touchant. On y croit à ce garçon solitaire et impopulaire, on a envie de le voir devenir moins transparent, on veut le voir s'épanouir. Il fait tout le charme du film. On profite également d'une réalisation de bonne qualité et de quelques idées un peu sympa. Le film a un bon rythme et des acteurs à peu près convaincants, la copine du héros se montre elle aussi plutôt attachante. Les scènes un peu plus mouvementées sont bien gérées et savent utiliser leur petit budget pour offrir quelque chose de simple mais qui fonctionne bien. Bref, sur le papier on n'a que du bon. Sauf sur le papier où est écrit le script.

Si vous avez déjà vu des teen-movies avec des ados en mal d'affection, Spiderman ou un des deux premiers X-Men, ce film n'apporte rien à part un acteur qui choppe notre empathie. On a une avalanche de clichés qui nous tombent dessus, à commencer par cet établissement scolaire qui ne contient que des connards + 1 victime (héros) + 1 fille sympa (béguin du héros). Je n'ai vu aucune version de Carrie mais je suis prêt à parier que ses fans auront eu aussi une sacrée sensation de déjà-vu. Même chose pour ce qui concerne le super-pouvoir et la découverte des portes qu'il ouvre, utilisé sans la moindre originalité. On n'a presque rien de nouveau, on anticipe les moments de gêne que subira le garçon. L'"originalité" pourrait tenir du fait que le héros est jeune (13 ans) et qu'il ne sera donc pas du genre à tabasser des braqueurs de banques. C'est vrai au début, et puis vers la fin plus trop... Je me disais aussi que le film mettrait en exergue le fantasme du geek qui veut devenir un super-héros, avec éventuellement une remise en question de ce fantasme. Pas tellement en fait, en tout cas pas plus que dans d'autres films de super-héros (Spiderman, encore). J'ai cru trouver par moments des sentiers que suivrait le film pour se différencier de la concurrence, mais non. Il reste un patchwork, il reste sur un sentier bien balisé.

Le problème avec cette absence d'originalité, c'est que les défauts d'écriture en deviennent d'autant plus pénibles. Pas mal de situations paraissent assez grosses, notamment avec un twist de fin incohérent. La justesse du film est également fragile, parfois il brûle les étapes et ne sait pas émouvoir lors de scènes qui auraient dû être traitées avec plus de rigueur. Certaines révélations affectent le héros et ça marche, mais d'autres ne lui font ni chaud ni froid alors qu'il aurait clairement dû exprimer quelque chose. On a quelques passages risibles qui font bien tâche, particulièrement lors de l'épilogue niais. On retrouve des clichés de film de super-héros qui n'avaient pas leur place ici, rien que le costume définitif du garçon et ses postures pour activer son pouvoir sont embarrassants. Et je ne vous parle pas des quelques (rares) notes d'humour qui ne fonctionnent pas, à part une blague sympa et un gag référentiel vraiment drôle au second degré (le signal !).

C'était un beau projet, un truc à soutenir, assurément. C'est mignon et on a au moins un personnage principal qu'on prend plaisir à suivre. C'est pas désagréable à regarder. Mais que c'est maladroit, que c'est prévisible ! Au bout d'un moment je passais ma séance à manifester mon impatience devant certaines scènes ou répliques idiotes, pensant être seul dans la salle (il s'est avéré que non : désolé du dérangement pour celui qui était au fond derrière moi). La modestie ne rattrape pas tout.