Réalisé un an après Les Vikings par un Richard Fleischer déjà reconnu comme l’un des touts meilleurs artisans Hollywoodiens, Compulsion, un titre bien plus approprié que sa très approximative traduction française, est la première incursion du réalisateur dans l’univers des tueurs en série. Le futur auteur des chefs d’œuvres que seront L’Etrangleur de Boston et son équivalent de Rillington Place, dresse un portrait saisissant de deux monstres à visage humain.


Formidablement interprété par Dean Stockwell (The Boy With Green Hair de Losey, Blue Velvet) et Bradford Dillman (Sudden Impact, Piranhas), deux acteurs spécialisés dans les séries télé, ce duo de psychopathe à l’intellect auto-proclammé, citant fréquemment Nietzche et son concept du surhomme pour affirmer leur supériorité sur le reste de l’humanité, est stupéfiant de réalisme. Rassemblant à eux deux les pires tares de détestation que l’on peut trouver chez un être humain. Il est très difficile de parvenir à trouver une quelconque forme d’empathie pour ces deux fils de riche qui imposent en permanence leur pseudo supériorité avec le plus total mépris. En cela Fleischer dresse un portrait fracassant de deux antihéros qu’il montre, sous couvert d’une mise en scène épousant certains angles confinant à l’ambiguïté. On voit fréquemment apparaître leur visage dans des miroirs ou en contre-champs quand ils sont ensemble.


Toute la première partie consiste à dépeindre ces deux personnages qu’il filme avec un regard d’entomologiste. Disséquant les diverses faces de leur personnalité. Une grande capacité à montrer le mal à caractère humain est déjà très fortement présente chez ce réalisateur de génie. Et on retrouve toujours cette façon touchant souvent à la grâce, d’affiner sa mise en scène par des procédés innovants, soutenus en permanence par une photographie impeccable.


La seconde partie, est un tour de passe passe génial de Fleischer, proposant de montrer le procès des deux larrons avec toute les évidences qui en découlent. Comment défendre l’indéfendable ? Et bien c’est par un réquisitoire contre la peine de mort, couillu le mec, magnifiquement orchestré par l’avocat des deux enfants d’aristocrates que le film se conclue. L’avocat est interprété par un Orson Welles que l’on croirait tout droit sorti de la Soif Du Mal. Avec son charisme naturel il remplit littéralement la scène de par sa présence. Les autres personnages se retrouvent au second plan et il prend alors la place d’un orateur magnifique qui se met à prendre cause contre la peine capitale. On entre alors dans la théâtralité absolue et le film se conclut comme tel.


Proposant de dresser un portrait sans prise de partie réelle, en est-il besoin face à l’inacceptable…, Richard Fleischer parvient une nouvelle fois à captiver par des procédés de mise en scène habile, utilisation fréquente d’ellipses, photographie impeccable et direction d’acteurs opératique. La marque d’un grand réalisateur tout simplement. Car les qualités de ses œuvres sont quasiment tout le temps marquées par cette simplicité, cette sorte d’évidence découlant de sa maestria.

philippequevillart
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Richard Fleischer

Créée

le 5 oct. 2018

Critique lue 207 fois

3 j'aime

Critique lue 207 fois

3

D'autres avis sur Le Génie du mal

Le Génie du mal
biquette69
8

Rédemption

Le génie du mal n'est pas un film agissant directement sur nos émotions. Dés les premiers instants,nous nous positionnons plutôt comme des criminologues, observateurs minutieux d'une jeunesse...

le 19 avr. 2020

8 j'aime

5

Le Génie du mal
jeanbaptistevoisin
8

Critique de Le Génie du mal par jeanbaptistevoisin

Deux jeunes gens de la haute société américaine partagent le mépris de leurs semblables, et ne rêvent que d'actes criminels qui les affranchissent du respect des lois. Le plus doué d'entre eux,...

le 16 nov. 2015

8 j'aime

6

Le Génie du mal
Fatpooper
7

Funny Games

Un bon petit polar plaisant. L'idée d'adopter le point de vue des tueurs est intéressante, cela permet de déplacer les conflits. De plus, le spersonnages sont assez bien construits ; j'ai beaucoup...

le 11 oct. 2014

7 j'aime

Du même critique

L'assassin habite au 21
philippequevillart
8

Meurtre oblige

Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball...

le 21 avr. 2020

18 j'aime

8

Joker
philippequevillart
6

Autant de clown clinquant

C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte...

le 9 oct. 2019

18 j'aime

5

La Chienne
philippequevillart
8

L'ange et la mort

Dans La Chienne, second film parlant de Jean Renoir, c’est surtout quand les voix se taisent et que l’image reprend naturellement ses droits que le lyrisme dramatique s’impose pour offrir de grands...

le 31 janv. 2023

18 j'aime

2