Le Grand Appartement par Gérard Rocher La Fête de l'Art

La vie est perpétuellement en mouvement pour Francesca, une jeune maman. Elle habite un plus que confortable appartement avec son copain Martin, sa fille, sa grand-mère gâteuse et toute une kyrielle de copains, de copines et d'amis. Tout irait dans le meilleur des mondes si le loyer de cet immense logement était payé régulièrement, mais ce n'est pas le cas. De plus, la propriétaire aimerait bien voir déguerpir cette joyeuse ribambelle afin de louer ce logement à des personnes plus "conformes" au quartier et surtout pouvoir appliquer le bail sur les bases des loyers du quartier. C'est pourquoi cette proprio intente une action en justice afin de pouvoir récupérer son dû et revaloriser le prix du loyer. Devant un tel acharnement juridique, la pauvre Francesca est la seule à se démener avec la justice. Révoltée par celle-ci et opiniâtre, n'ayant qu'une confiance toute relative dans l'intégrité des avocats, elle décide de se défendre seule devant le tribunal. Pendant ce temps Martin, cinéaste d'occasion, et Adrien, le prince de la maison et séducteur du quartier, mènent une vie plutôt insouciante, occupés par leurs projets artistiques incertains de film ou de comédie musicale bidon. Devant une telle inertie, Francesca pense à renoncer...

La vieille loi de 1948 avait jusque là du bon pour Francesca et Martin, hébergés par la grand-mère locataire pour un loyer dérisoire d'un immense appartement. Mais il est bien difficile à notre époque de conserver ces avantages et de rester insouciant lorsque le train de vie est incertain . C'est pourtant ce sentiment d'insouciance qui l'emporte chez cette bande de joyeux drilles s'en remettant à la pauvre Francesca . Celle-ci doit faire étalage de son mieux de ses connaissances juridiques afin de préserver le bien et les occupants des lieux, ceux-ci vivant sur un nuage, déphasés par les aléas de la vie et faisant étalage de la parole et de la philosophie à l'emporte pièce. Ils sont ou tout du moins se croient artistes. Martin s'essaye au métier de cinéaste sans grand succès tandis qu'Adrien tente de monter avec les colocataires une comédie musicale dont les acteurs ne perçoivent même pas la nullité de celle-ci ni leurs propres talents inexistants. Malgré le couperet de l'expulsion qui plane au-dessus des têtes, l'enthousiasme et la joie de vivre règnent. Tout ce petit monde vit comme il peut à l'exemple d'Adrien hâbleur et intéressé par la crémière du quartier qui échange un rapport amoureux contre un immense fromage, ce qui permet de nourrir tout ce petit monde déjanté.

C'est dans l'utopie, voire dans une ambiance rabelaisienne que nous entraîne Pascal Thomas. Il nous plonge dans un monde un peu libertaire fragilisé par les exigences de notre époque. Deux théories se côtoient, d'un côté celle de l'insouciance avec sa vie un peu bohème au jour le jour et de l'autre celle des rapaces et des calculateurs. Ce film parait léger malgré le regard amer et sévère qu'il porte sur la société actuelle. Prenant pour support cette loi de 1948, le réalisateur tente de nous prouver avec succès que: "de mon temps s'était mieux". Il démontre qu'à une certaine époque les grands appartements des beaux quartiers n'étaient pas uniquement réservés à la clientèle huppée, comme actuellement, les moins nantis n'ayant droit qu'aux "barres" des cités, à la périphérie des grandes villes. La morale de ce film pourrait être: "riches, montrez-vous! pauvres, vivez cachés!". Laetitia Casta se montre absolument excellente dans son rôle de femme sensible, opiniâtre et combative, sorte de "Samu" au milieu de cette bande d' hurluberlus. Ceux-ci sont fort bien campés notamment par Mathieu Amalric, jeune homme volage, allant là où le vent le mène, et Pierre Arditi qui excelle dans son personnage de gigolo débrouillard- parasite. Les autres acteurs mettent beaucoup d'énergie et de bonne humeur, ils complètent fort bien ce trio très particulier.

Comme souvent Pascal Thomas aborde un sujet de société avec un ton léger et tendre sous un regard ironique et parfois sévère. Il semble prendre beaucoup de plaisir à réaliser son film, s'amusant autant que les acteurs. L'important c'est que nous aussi on sourit à toutes ces gesticulations autant que l'on sympathise avec les personnages anticonformistes. C'est pourquoi ce film mérite d'être découvert et je vous conseille vivement de passer un bon moment dans ce grand appartement dont vous garderez un excellent souvenir.
Grard-Rocher
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le 19 déc. 2013

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le 18 déc. 2013

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