Je dois faire une confidence d'emblée.
Je n'aime pas Gilles Lellouche l'acteur.
Vraiment pas.
Je crois que ça fait depuis Paris, quand je l'ai vu jouer un prolo décharger des cageots à Rungis.
Ca sonnait faux, j'avais juste l'impression de voir une caricature de beauf, raleur, prêt à s'emporter et empilant les "Rooooh ca vaaa".
Et cette caricature, elle l'a poursuivi, film après film.
Il y'a eu Les petits mouchoirs, Ma part du gateau, Les Infidèles, La French, Le Sens de la Fête...
Autant de films ou j'ai cru voir Lellouche jouer les variantes du même role.
Cette année dans "L'amour est une fête", j'ai cru atteindre l'overdose.
Deux heures insupportables de Lellouche en roue libre, gueulant sur tout ce qui passe, y compris des enfants jouant au Tennis.
Les multiples ulcères causés par l'acteur finirent de me convaincre alors de bannir tout film désormais dans lequel il pouvait jouer.


Et un soir, un ami à moi revenu d'un avant première du Grand Bain, partageant avec moi le même mépris de la star de Sous le même toit, sous ma grande surprise m'en dit du bien.
Curieux, et rassuré que Gilles ne joue pas dans son propre film, je finis par céder et y'aller.


Que ça fait du bien parfois dans la vie quand la vie peut nous donner tort.
Dès l'intro lancée à toute allure sur la vision "carrée" du monde et la société enchainant sur du "Tears for Fears", Lellouche m'avait dans sa poche.


J'ai sincèrement cru que le Grand Bain serait une énième comédie comme on en voit tant en France, basant sur son humour sur tourner des protagonistes en ridicule.
Tout l'inverse s'est produit devant mes yeux.
Le Grand Bain fait preuve d'une immense compassion avec ses personnages.
Chacun dans sa lacheté, sa naiveté, sa stupidité, son arrogance, ses sauts d'humeurs, a droit à un portrait ambivalent mais ultimement attendrissant.
Rarement le cinéma français s'était interessé à ce point à des "losers" sans se moquer d'eux, ni d'en faire de la caricature.
Le Grand Bain réussit cet effort haut la main.
Mais bien plus, il vient à remettre en question les diktats de qui doit on admirer, et suivre comme modèle que ca soit être beau et jeune, ou tout simplement être "viril".
Dès que Virginie Efira rétorque à un des nageurs que d'assumer "la femme qui est en lui" lui fera pas perdre de couilles, mais au contraire lui en fera peut être gagner un peu plus, on sait qu'on a un affaire à une histoire qui malgré son portrait d'homme murs, vit dans l'air du temps.
A ce titre, le personnage d'Efira est remarquable, ne servant de "love interest" à personne, et ayant ses propres félures, surprenamment bien écrites.
Et bien que le casting en entier soit formidable (y compris Canet a ma grande surprise), Virgnie se distingue de loin, en livrant une prestation sincère ou rien ne parait faussé, illusoire.
Mais il n'y a pas que sur le traitement de ses personnages et son univers que le Grand Bain se distingue.
Rarement ai je vu en Hexagone, un film aussi pétardant d'idées sur sa narration.
Jamais un moment dans Le Grand Bain ne parait creux.
Chaque minute est exploitée à son maximum, et certains choix narratifs osent pour le meilleur.
Le tout avec un découpage qui reste cohérent de bout en bout, et laissent le sentiment d'un cinéaste aguerri derrière la caméra, et non pas d'un acteur qui tourne ici son deuxième film (et premier en solo).
Et bien sur, la formidable partition de Jon Brion, musicien trop sous estimé, illuminant le film de ses notes.
C'est beau, c'est drole, c'est touchant.
Surtout c'est talentueux, et dieu sait qu'une semaine plus tôt je n'aurai jamais attendu ça de la part de Gilles Lellouche.
Comme quoi ce dernier a raison
Des ronds peuvent devenir des carrés.
Et réciproquement.

HugoShapiro
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le 26 oct. 2018

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HugoShapiro

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