Il a bien mangé le Monsieur ?
Choisir un film sur lequel je peux déverser ma haine n'est jamais chose aisée pour un personnage de mon acabit.
Je suis très bon public : je m'amuse de rien, je suis ce qu'on appelle un grand bêta distrait et il faut pas grand chose pour que je passe une bonne journée. Je ne sais pas quoi vous dire, je suis une sorte d'optimiste, en somme, et parfois ça me révulse d'être affublé de connaissances pénibles.
On m'a initié aux arts graphiques, on a fait de moi un esthète, notez je m'en plains absolument pas, c'est tout à fait dé-li-cieux de survoler sur la plèbe en soirée mondaine en étouffant votre environnement intime de diatribes complexes, qu'ils oublieront dans les deux jours car la plupart d'entre eux naviguent dans le Grand Tout.
Au fond, je suis très stupide, je remarque les détails inutiles en me moquant de l'essentiel. Ça fait de moi un individu condamné à l'extinction.
Or donc, quand il s'agit d'un film que je connais depuis l'enfance, pour lequel j'éprouve une forme d'affection, il n'y a que l'amertume pour assaisonner la salive que je gaspille dans les très longs débats arrosés de bières honteusement gâchées où je m'évertue à défendre les classiques de la comédie grand guignol des années 60 où De Funès, Lefebvre, Blier, Maillant et d'autres en étaient les grands princes.
Autant le dire tout de go, Le Grand Restaurant n'est pas un bon film.
Cela, pour une excellente raison : le divertissement dure exactement 85 minutes, mais ne peut vous divertir - si vous êtes bien dans vos pompes - que sur environ 40, voire 45 minutes, soit la moitié du métrage.
À la rigueur, c'est un excellent moyen-métrage et je vous conseille vivement d'aller le regarder, ça vaut son pesant de gags burlesques, de trouvailles de mise en scène et de petites mimiques bien De Funès, gourmandes à souhait pour qui veut voir un immonde grand bourgeois de Paname en train de ridiculiser ses employés dans un palais de la gastronomie frânçâise.
D'autant que, je crois fort que la profession - encore aujourd'hui - est noyée par des individus de ce genre.
Vous ne me croyez pas ? Bah hé, comment notre réputation de bouffeurs de plats hors de prix s'est-elle construite à votre avis ?
Avant de m'égarer outre mesure dans les bas-fonds de la démago gastronomique, voilà la raison du ratage de ce film : ils ont voulu surfer sur la vague des films d'espionnage et de contre-espionnage, très en vogue à l'époque avec les Sean Connery/Roger Moore pour affrioler Madame Tefal qui vota Giscard pour continuer à profiter du pouvoir d'achat. Mais malheureusement, c'était raté.
On passe d'une comédie hilarante où il y a véritablement des prouesses, et j'aimerais vraiment que vous fassiez l'effort de voir le bordel et de vous arrêter, attention, voilà le safe moment :
"Quand le président sud-américain disparaît, vous devrez arrêter de regarder ce film."
Si vous voulez une comédie dans le même genre qui reste impeccable d'un bout à l'autre sans jamais ménager ses effets de manche : vous n'avez qu'un film avec De Funès à regarder, c'est Faites Sauter la Banque. En plus de défendre un propos très similaire, c'est bien mieux maîtrisé, bien monté, bien dirigé. J'y reviendrai bientôt.
Sinon, pour le contre-espionnage en mode cocorico, vous avez Fantômas - même s'il y a des défauts, c'est franchement pas trop crade et je devrais même pas avoir à le dire ça. Accrochez-vous.
Vous voyez cette voiture-là ?
Elle est impeccable, voilà ce qu'elle a.
À l'occasion, je vous mettrai un p'tit coup de polish.
Si vous avez l'immense courage d'aller au Grand Restaurant, et de rester jusqu'au fromage, faites l'effort de sauter le dessert, puis le café par la même occasion.
DIGRESSION DISGRACIEUSE #2
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