Alors que Sergio Leone révolutionnait le genre du western à la fin des années 60, un autre Sergio envahit la décennie avec une panoplie de longs-métrages s'inspirant des codes du dit "western sphaghetti."
Avec Le Grand Silence, nul doute que Corbucci réussit le pari de s'introduire dans la mode de l'époque : que ça soit dans les personnages avec le héros charismatique et tireur hors pair, l'antagoniste chasseur de primes sans foi ni loi, et le shérif, sarcastique et symbole de justice, ou dans les choix techniques, avec de grands zooms, des faux raccords un peu partout, une musique du génie de Morricone pendant les ballades à cheval ou les scènes intimes. Il y fait tout de même quelques exceptions : le choix d'un acteur français, puis de tourner dans de grandes contrées enneigées, là où la chaleur, la transpiration et les tumbleweed étaient de sortis dans les films de Sergio Leone.
En appuyant fort sur tous les codes du genre, le film se donne donc un aspect un peu farfelu, qui a un peu vieilli et donne ce ton un peu absurde au film qu'on pourrait ranger dans une série B western comme une autre. Mais l'ensemble du film est très poétique. Ces clichés sont éparpillés dans un décor somptueux, et l'ambiance 60's est bien retranscrite dans le long métrage. Klaus Kinski livre une interprétation remarquable de ce chasseur de primes sans pitié, qui sait se cacher derrière un visage diplomatique pour se tirer d'affaire. Trintignant quant à lui, s'en tient aux codes : héros muet, il joue de son charisme pour faire vivre un personnage qui n'en est pas vraiment un : plus une sorte de silhouette.
Ajoutons à cela une fin plutôt inattendue, se détachant une fois des plus des codes de l'époque, et l'on obtient Le Grand Silence, un film qui peut paraître vieillot maintenant, mais qui sort son épingle du jeu en offrant une poésie et un discours tranchant qui reste dans la tête un moment.