Il y a de ces œuvres qui nous déroutent délicieusement, nous égarent, nous perdent avec grâce dans les méandres d’un récit ou d’une représentation confuse, de formes ou de personnages vagues ou homonymes, de causes inconnues et d’enjeux indevinables. Citons au cinéma le génial Mulholland Drive (dont ceux qui prétendent en expliquer l’intrigue passent niaisement à côté), les polyphonies de Paul Klee en peinture ou en littérature Absalon Absalon de Faulkner. Là, comprendre devient secondaire, au profit de sentir dont la force si grande éteint ce besoin fondamental du sens en allumant celui des sens.
Or, ici, avec le grand sommeil, rien de tout cela. Un fatras sans nom d’intrigues, avec des personnages grossièrement définis, des dialogues souvent imbuvables et une impression persistante de vacuité. Et ce, par ailleurs, sans jamais succomber, hélas, au charme du sentir, de l’esthétisme. On a beau s’attacher à la relation anecdotique du couple naissant Bogart / Lauren Bacall ou se forcer à s’extasier face au ton parodique des dialogues et au jeu incrédule et incroyable des acteurs, rien à faire.
Seul le sentiment d’une vaste supercherie demeure.