Attention! Voici très certainement le meilleur film sorti en cette année 2010 (cet avis n'engage que moi bien évidemment). Nicolas Winding Refn, que je découvre avec cette oeuvre, nous offre une oeuvre à mi-chemin entre 2001: l'odyssée de l'espace de Kubrick et des films de Andreï Tarkovski.
Premièrement, il faut annoncer que l'oeuvre divise énormément les cinéphiles. La plupart, trompés par une bande-annonce tape-à-l'oeil s'imaginent voir un film d'action au temps des vikings. Il n'en est rien, l'action est quasiment inexistante, les rares combats, violent et frénétiques, se situent au début de l'oeuvre. Alors quel est le but de Valhalla Rising? Un voyage initiatique et métaphysique avant tout.
Comment aborder le scénario qui laisse finalement assez peu d'indices au téléspectateur? A titre personnel, j'ai vu le film deux fois, la première j'avais conclu que le personnage de One-Eye en était une forme de Messie, en nettement plus sombre. La seconde vision m'a permis d'écarter cette hypothèse et il me semble être plus proche de la volonté du cinéaste avec les explications qui suivent.
Le titre peut largement aider le téléspectateur puisque Valhalla Rising peut littéralement être traduit par l'élévation vers le Royaume des dieux. Pour un viking, il s'agit de l'endroit où il pourra renaître et vivre éternellement (résumé assez simplement). Face à la foi de One-Eye, il existe celle d'un petit groupe d'hommes. Ils ne viennent pas des royaumes nordiques mais bien d'Europe occidentale ou de Grande-Bretagne. Leur foi est toute différente puisqu'elle est catholique. Ils proposent à One-Eye de se joindre à eux pour défendre le vrai Dieu, la vraie croyance. Le cinéaste revient dès lors sur le passé de la Scandinavie et sur les deux religions qu'elle a connu ou connait encore. Entre le passé et les vikings et la foi catholique bien présente dans ces contrées, car colonisée également de la sorte à l'époque.
Mais pour en revenir à la foi catholique, la vision de cette foi est essentiellement montrée à travers les avantages matériels qu'elle semble procurer aux divers personnages. Certains rêvent de pouvoir et de richesse. Pour les vikings, elle est même perçue comme une religion qui mange son propre Dieu (ceci est mon pain, ceci est mon sang). Bref, pour les Croisés, le périple vers Jérusalem est avant tout synonyme de gloire et de fortune personnelles.
One-Eye peut être considéré comme étant tout à la fois un guerrier, un passeur et un être prêt à atteindre le valhalla, le sommet de sa spiritualité en quelque sorte. Dans le premier cas, il suffit de voir sa maîtrise dans les combats pour s'en apercevoir. Sans oublier qu'il est rongé par la haine. Ce sont aussi les seuls instants où la mise en scène de Refn se fera nerveuse. Malgré les hors champs, on devine la violence des affrontements. Les autres moments, on verra de longs plans-séquences, parfois filmés au ralenti, pour montrer l'ascension psychique de certains personnages.
Je dirais qu'il est une forme de passeur car il semble deviner son futur ainsi que celui de ses compagnons. Il y a également un lien très étrange qui l'unit avec le jeune enfant, qui s'est occupé de lui pendant sa captivité, et qu'il est le seul à pouvoir le comprendre. Il est également sa voix. A noter que le choix n'est pas non plus anodin puisque l'enfance lui-même est l'antithèse de One-Eye. Il est encore jeune, pur et innocent. Ses mains ne sont pas encore souillées par le sang. One-Eye emmène les hommes vers de nouvelles contrées et non Jérusalem. Ce sera pour les Croisés comme une route vers le Purgatoire, vers un cauchemar où leur nature va se révéler face à l'immensité de ces territoires, des espaces verts. On est clairement dans une phase de l'homme face à la nature, un véritable moment d'introspection sur leur foi mais aussi sur leur place en tant qu'être humain. Et pour certains, elle va faire des dégâts.
Pour pouvoir s'élever vers le Royaume des dieux dans le cas de One-Eye et dans celui du Seigneur dans le cas des croisés, il va falloir prendre conscience de ses pêchés et de ses actes. Un des exemples les plus probants est celui du vieil homme, chrétien, qui reconnait regretter de ne pas avoir été aux côtés de ses fils lorsqu'ils sont morts. Il est laissé là sur le haut d'une colline, en pleine méditation, avec une lumière qui jaillit droit vers lui comme si le Seigneur semblait prêt à l'accueillir dans son monde. Et pour une autre raison aussi, il est le seul à ne pas avoir suivi le chef de troupe, qui rêvait de faire de ces nouvelles terres un nouveau Jérusalem. Bref, la foi doit être spirituelle et non matérielle ou synonyme de puissance. De la sorte, l'oeuvre rappelle à quel point la religion catholique est souillée par les richesses. Le seul cas ambigu reste celui du fils, qui suivant One-Eye au départ, décide de retourner vers son père, laissé au bord de la rivière mais tué par les Indiens. Qu'adviendra-t-il vraiment de lui? Est-ce que retrouver une place aux côtés de son père signifie qu'il est prêt à gagner son paradis? On peut le penser. Pour One-Eye, son accession au Valhalla passera par son sacrifice humain, permettant à l'enfant d'être épargné par les Indiens. Une fois encore, ce choix est logique vu la pureté du jeune garçon. L'oeuvre se clôture sur les landes brumeuses du pays où One-Eye était captif et où on y voit en fondu parallèle une apparition du héros laissant penser qu'il hante encore l'endroit mais dont la symbolique signifie surtout qu'il est devenu éternel, en ayant accédé à son royaume.
Valhalla Rising est donc une oevure brute, riche et étonnante par sa beauté visuelle. Son fond aborde donc de nombreuses thématiques comme la foi, la religion, la mort, la place de l'être humain sur cette Terre et sa relation avec la foi. Une oeuvre à la croisée de ce qu'aurait pu faire un Werner Herzog, Terrence Malick, Andreï Tarkovski et Stanley Kubrick (pour 2001 donc). Rien que ça. Le genre de films trop rares au cinéma.

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le 6 mai 2011

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batman1985

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