Sur une île de l’autre coté de l’océan vivait un réalisateur. Ce n’était pas une île déplaisante, sale et humide, rempli de bouts de vers et d’une atmosphère suintante, non plus qu’une île sèche, sablonneuse, sans rien pour s’asseoir ni sur quoi manger: c’était une île de hobbit, ce qui implique le confort. Et le talent.

En 2001, Peter Jackson nous permettait de pousser la porte ronde de la demeure de Bilbo à Cul de Sac et de plonger dans l’univers de la Terre du Milieu créée par Tolkien à travers son adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux. Films cultes pour toute une génération, marquant leur époque et la vie de leurs fans. En 2003, et onze Oscars en poche, Jackson refermait l’histoire et nous faisions alors nos adieux aux Hobbits, Nains, et autres Elfes. C’était sans compter sans la volonté du studio de prolonger l’aventure avec ce qui restait d’adaptable : Le Hobbit, un petit livre destiné aux plus jeunes et se déroulant en amont de l’histoire de Frodon. Après le désistement d’un Guillermo del Toro resté impliqué sur le projet, Jackson nous permit de repartir à nouveau en Terre du Milieu à travers trois films aussi réussis que passionnants. Aujourd’hui, à l’aube de 2015, soit près de 14 ans après le départ de Frodon pour le Mordor, le livre se referme définitivement.

Et il se referme de la plus belle manière qui soit. C’est d’ailleurs presque une évidence à écrire : La Bataille des Cinq Armées est une franche réussite, à l’instar de ses deux précédents volets.

C’est d’autant plus une évidence que la coupure, voulue par Warner Bros, du film en trois parties au lieu de deux sonne ici pour la première fois comme son principal défaut. A l’instar du dernier Harry Potter découpé en deux morceaux ou, dans une moindre mesure, de Hunger Games, la Bataille des Cinq Armées apparait comme la suite directe de la Désolation de Smaug, sans la moindre pause dans le récit quand la plupart des histoires découpées en trois parties s’offrent souvent le luxe de pouvoir se visionner de manière dissociées (comme Matrix ou le Seigneur des Anneaux par exemple).
Ce troisième volet s’ouvre donc, en guise de longue introduction, sur le face à face attendu entre le dragon Smaug et l’archer Bard, après que la créature ait quitté les Nains de la Montagne Solitaire. Une fois cette scène passée, on sent Peter Jackson un peu moins à l’aise. Pour la première fois en trois films, on ressent une sensation d’étirement de l’intrigue, au travers de scènes rallongées pas vraiment utiles au récit. Il faut dire qu’à ce stade du livre de Tolkien, il ne reste que quelques maigres pages à adapter.

Néanmoins, il ne faut que peu de temps à Peter Jackson pour redresser la barre, en nous montrant la libération de Gandalf (qu’on avait laissé dans une cage à Dol Guldur, souvenez-vous) dans un duel de magiciens au sommet, techniquement impressionnant mais qui fera bouillir de rage les plus puristes d’entre vous. Les fans hardcore de Tolkien paraitront d’ailleurs bien moins choqué tant ce troisième volet colle le plus possible aux pages de l’écrivain. Certes, il y a quelques digressions, notamment parce qu’il faut recoller les morceaux éparpillés dans les volets précédents et clore les intrigues mais Jackson et ses scénaristes ont fait du mieux qu’ils pouvaient pour respecter les écrits de John Ronald Reuel, s’offrant notamment le luxe de sortir du cadre le plus longtemps possible Legolas et Tauriel, en les envoyant remplir une mission-prétexte, uniquement destinée à faire en sorte qu’ils ne soient plus à l’écran.

Une fois toutes ces considérations prises en compte, la Bataille des Cinq Armées proprement dite peut démarrer et elle occupe largement les deux tiers du film. Oui, la bataille est longue, sans doute plus longue que celle des Champs du Pelennor dans le Retour du Roi, que Jackson s’arrangeait pour l’entrecouper de pauses. Ici, on entre rapidement dans le vif du sujet et on y reste pour longtemps. Il faut donc tout le talent de metteur en scène et de conteur du Néo-Zélandais pour qu’on ne puisse pas s’en plaindre. L’affrontement représente deux heures de plaisir pur, d’intensité, de bravoure et d’héroïsme, sans aucun doute parmi les meilleures scènes de combat vues en 2015 au cinéma.

Il fallait quand même que la bataille, tout en restant dantesque, ne ressemble pas à celle de la fin du Seigneur des Anneaux qui se veut plus impressionnante. Jackson choisit une approche différente, montrant d’abord des armées beaucoup plus ordonnées, militaires (les Elfes capables de mouvements de troupes millimétrés, les Nains capables de formations avec leurs boucliers façon armée romaine) puis se focalisant sur les hommes. La bataille fait rage mais elle n’est donc pas une simple scène d’action. On y aborde des thèmes comme l’amitié, l’amour, le courage et la cupidité. Puis Jackson choisit de déplacer sa caméra, de sortir du champs de bataille pour montrer quelques duels particulièrement intenses (et respectueux de Tolkien, les lecteurs comprendront) permettant à Thorin de finalement affronter Azog et au public de voir quelque chose de différent de ce qui avait été fait jusque-là. On en dira pas d’avantage, si ce n’est que l’action se termine d’une manière particulièrement poignante.

Puis, finalement, Bilbo peut rentrer chez lui. Il n’était question que de cela depuis le début du film : de vivre une aventure pour retrouver son foyer. Les Nains retrouvent leur montagne, les Hommes retrouvent Dale et Bilbo peut enfin retourner dans sa Comté, profiter de son fauteuil et de son thé. Et si on s’attendait à une conclusion larmoyante, un dernier adieu à la Terre du Milieu au cinéma, Peter Jackson choisit au contraire la sobriété à travers une scène particulièrement intelligente s’ouvrant sur le Seigneur des Anneaux. On pleure, certes, mais pas forcément pour les raisons que l’on croyait.

Pour la première fois, donc, on ressent une volonté de producteur à laquelle s’est pliée Peter Jackson : couper en trois une histoire qui aurait méritée de n’être qu’en deux parties, même de là à faire de la seconde un très long film de plusieurs heures. Même si ça n’enlève rien aux qualités de la Bataille des Cinq Armées, pensez donc à avoir la Désolation de Smaug bien en tête juste avant pour profiter au maximum de cette incroyable conclusion (et emportez des mouchoirs !).

Près de 80 ans après que John Ronald Reuel Tolkien ait écrit sur une feuille blanche laissée par un de ses élèves dans une copie les mots « In a hole in the ground there live a Hobbit », l’aventure des écrits du professeur d’Oxford touche à sa fin au cinéma. Si les trois parties du Hobbit n’arriveront finalement pas à s’élever au dessus du Seigneur des Anneaux (mais qui le pourrait vraiment ?), ça n’en est pas moins une trilogie de haute volée, parfaitement en symbiose avec son ainé, et venant agrémenter les souvenirs déjà forts des fans de belles nouvelles images.

A l’image de Star Wars, l’aventure en Terre du Milieu restera un évènement majeur de l’histoire du cinéma. Et pour cela, Monsieur Jackson, comme on le dit là-bas, hantanyel órenyallo
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le 3 déc. 2014

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