La désolation du spectateur (titre racoleur pour cause de 1ère critique)
Ça y est: c'est fini! Il est 2h15 du matin et les crédits du film défilent devant mes yeux enflés par 8 heures de visionnage. Le temps de reprendre mes esprits (surtout mon esprit critique d'ailleurs) et je peux commencer à formuler mon opinion sur la fresque épique que je viens de voir.
Je précise avant de commencer que je pars du principe que le lecteur de cette critique a déjà vu "Un voyage inattendu" et "La désolation de Smaug". Cela étant dit, commençons :
L'histoire reprend exactement là où elle s'était arrêtée durant le dernier opus. Et comme le film ne s'appelle pas "La bataille contre Smaug", on se doute que le dragon ne va pas faire long feu. Bref, une fois la bête tuée et la montagne reprise, nos amis nains cherchent l'Arkenstone et s'enferment dans le royaume d'Erebor. S'en suit une série de mauvaises décisions diplomatiques qui vont presque conduire à un affrontement entre elfes trop fiers et nains entêtés. Les orques et les humains viennent s'ajouter à ce joli mélange et le film se clôture après un duel entre le personnage principal, Thorin, et l'antagoniste principal, Azog, comme dans tous les films d'action depuis que les scénaristes ont remarqué qu'appliquer une recette demandait moins d'effort pour autant de résultats que de rechercher l'originalité.
Le film n'est pas foncièrement mauvais mais souffre de nombreux défauts visibles tout au long du film. Les clichés scénaristiques pullulent : l'éloignement des personnages importants du champs de bataille pour permettre le super-méga-giga combat final de la mort qui tue!, les motivations de certains personnages qui ne sont pas crédibles et surtout ce triangle amoureux elfe-nain-elfe qui ne sert à rien, sinon à prouver que Peter Jackson ne sait pas transposer une intrigue amoureuse à l'écran (ce que personne ne lui a demandé de faire d'ailleurs). La plus grande aberration scénaristique reste le Deus Ex Machina préféré de Jackson vers la fin du film. Je ne veux pas en dire plus pour ne pas spoiler certains mais pour peu que vous ayez vu "La communauté de l'anneau", "Le retour du roi", ou "Un voyage inattendu" vous allez vous frapper le front en hurlant "Encore!". En tout cas c'est ce que j'ai fait.
Mais le pire élément de l'histoire est sans doute le comic-relief. Moi qui pensait que Radagast était le Jar-Jar Binks de la terre du milieu, je suis revenu sur mes mots en voyant Alfrid, le mono-sourcil bouffon de ce film. Peureux, misogyne, laid, mercantile, sournois, bête, ce personnage est la finesse même! Au lieu de diviser ces tares entres plusieurs seconds rôles, les scénaristes se sont cru obligés de créer ce personnage ultra manichéen qui n'apporte à l'histoire qu'une succession de gags burlesques sans être drôles.
Tout n'est pourtant pas à jeter dans cette histoire. Les sentiments de Thorin et son évolution le long du film sont intéressants et bénéficient de bonnes idées (le rêve, la voix caverneuse qui rappellent celle de Cumberbatch). Le film reste fidèle au livre et surtout à l'univers déjà montré dans les films précédents.
Au niveau du casting on flotte entre de grande performances et du jeux Marion-cotillaresque parfois. Mention spéciale à Ian Mckellen qui continue de transmettre son énergie et son implication dans l'histoire au spectateur. Martin Freeman est également remarquable dans son éternel rôle de looser gentil, son fond de commerce (cf "Sherlock", "Fargo" et même "Love actually"!). Par contre on notera la contre performance de Kate Blanchett lors de la scène de bataille contre le nécromancien, qui était sans doute trop occupée à pleurer devant la caméra de Woody Allen pendant le tournage pour s'appliquer sur son jeu. Autre fausse note: Lee Pace qui tire la tronche pendant 2h et qui donne l'impression d'être sur le tournage contre sa volonté. La fierté hautaine de l'elfe devient de l'inexpressivité. Ces 2 contre-performances m'ont d'autant plus étonné que Blanchett et Pace sont de très bons acteurs et qu'ils l'ont prouvé à plusieurs reprises.
La réalisation est vraiment le point le plus positif du film. On sent que Jackson s'est vraiment fait plaisir sur les scènes de bataille et c'est contagieux. Les effets spéciaux combinés aux mouvements de caméra donnent une impression jouissive d’immersion. La bataille fourmille de bonnes idées, que ce soit en terme de bestiaire ou de style de combat. J'ai vraiment eu l'impression de retrouver le réalisateur de "Braindead" avec une trouvaille toutes les 2 minutes. Certaines scènes vont carrément à l'encontre de la logique (et en particulier de la gravité: c'est à toi que je pense Legolas!) mais on est tellement pris dans l'action qu'au lieu de s'offusquer, on affiche un sourire en coin et on lève un sourcil amusé. Le père Peter s'y donne d'ailleurs à cœur joie avec sa caméra, la faisant virevolter (sans doute avec une grue) n'hésitant pas à combiner travelling haut-bas avec panoramique droite-gauche le tout combiné à un 3ème mouvement qui donne en un plan toute l'information spatiale d'une scène au spectateur sans le perdre.
La musique est très oubliable et c'est dommage. Elle jouait un rôle prépondérant dans "Un voyage inattendu" et on ne retrouve ici que le thème de l'anneau lorsque celui-ci est évoqué/montré ou celui de la comté dans les mêmes conditions.
Au final est-ce un bon film? Oui bien sûr et de toute façon les fans de la saga iront le voir même si il est très mauvais. Mais il est trop maladroit dans son traitement pour constituer un classique comme "Le retour du roi". Il vaut le coup d’œil pour les effets spéciaux et cette plongée nostalgique en terre du milieu. Pendant votre périple évitez de vous attarder sur les motivations des personnages ou leurs actions, sur la pauvreté du jeu de certains acteurs ou sur les "blagues" qu'on vous bombardera à la figure. Si vous suivez ce conseils vous passerez sans doute un bon moment!
