Le voilà enfin, après tant d'années d'une attente fébrile, le dernier opus de La Terre du Milieu vue par Peter Jackson, devant nos mirettes écarquillées, rivées sur un écran géant avec 48 images par secondes et bien sûr un son de dingue.
Et le Peter y connait son affaire, en cinq minutes à peine nous voilà plongés sans ménagement dans le brasier de Lake-Town, que Smaug semble vouloir détruire par lamelles comme dans un bon RPG. De l'évasion singulière de Bard au sacrifice héroïque de son fils ( qui n'hésite pas à risquer la décapitation pour donner un coup de main ! ) l'ouverture ne manque pas de panache.
Il lui manque bien quelque chose, mais... Mais... Oui ! Cette superbe Dwarvish Windlance, présentée avec grand soin dans La Désolation de Smaug, pourquoi n'en est-il plus nouvelle ? Faudra-t'il attendre la version longue pour savoir pourquoi Bard ne cherche même pas à y aller ?
Après avoir réglé son compte à Smaug, Peter emmène ses stars de la Trilogie des Anneaux humilier Sauron une fois de plus, mais cette fois-ci pour la première fois... Décidément, il n'aime pas Sauron. Le méchant le moins charismatique de l'Histoire. Jamais il ne gagne. Jamais ses menaces ne seront prises au sérieux. Et allez-vous me dire pourquoi tisser autant de liens entre le Necromancer et Smaug si c'est pour les expédier en deux coups dans la gueule ? Faudra-t'il attendre la version longue pour connaitre les motivations de Peter ?
Tout au long du métrage, des détails sont laissés en suspens, à l'appréciation du spectateur, ou tombent carrément dans l'oubli... Moi j'en ai marre qu'on matte un film comme une vitrine de sa version longue à venir...
Parce qu'en plus il faut se la fader, l'exposition qui suit. Une heure de blahblah - flashback - blahblah - flashback qui insiste sur l'évident et ignore l'essentiel... Il y a même des flashbacks de paroles qui ont été prononcées il y a 30 secondes à peine !
Au cours de ce qui s'avère la scène la plus embarrassante de tous les Anneaux & Hobbits confondus, peut-être même de toute la carrière de Jackson, Thorin part dans un délire éthylique carabiné, voire un bad trip au LSD, avec le sol qui fond et tout, pour ensuite se rendre compte instantanément qu'il disait de la merde depuis des jours et redevenir le vaillant Nain que l'on aime tous... Travail de FEIGNASSE, Peter !
Nan mais c'est quoi cette connerie ? Plutôt que de me faire chier avec des flashbacks inutiles, j'aurais préféré assister à une gradation des sentiments de Thorin, un minimum d'effort dans la dramaturgie... Faudra-t'il encore attendre la version longue ? Et L'Arkenstone qui finit par tomber complètement du récit, on en parle ? Et le collier convoité par Thranduil ?
Bref, je suis prêt prêt à fustiger l'ensemble, à bouder, même. Oui...
Et puis me voilà de nouveau submergé par des émotions sauvages et barbares quand enfin la grande bataille démarre. La belle voix venue d'Ecosse de Billy Connolly me comble d'aise, et la charge héroïque des 13 Nains d'Erebor me fait frissonner de plaisir. L'amertume fait place à un vrai plaisir de retrouver Peter dans son élément.
Le film redevient iconique, grandiose, les affrontements Homériques se succèdent sans temps mort. L'interminable coucher de soleil sur les hauts-plateaux glacés est esthétiquement magnifique. La nunuche Tauriel ne me pose plus aucun problème, et Thranduil la girouette fonctionne très bien comme ça... Un peu comme si Peter avait pris compte de tous les griefs potentiels pour les annihiler en sabordant l'acte 1 de ce troisième épisode.
En effet, passé la fameuse pire scène de sa carrière, plus rien n'est grave. On ne peut plus qu'applaudir et en redemander.
Au final, son Hobbit-à-rallonge s'avère un pari payant. Mettant en avant son sens démesuré du spectacle, Peter Jackson n'hésite jamais à mélanger sans diluer sublime et ringard, comme s'il misait là dessus pour assurer son succès. The Hobbit étant l'apothéose surfriquée de ce procédé de mise-en-scène, on a sans nul doute affaire non pas à son meilleur film ( Frighteners, imbattable ) mais à son chef d'œuvre. Le point nodal de ce qui fait son cinéma.
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Appendice : un mot sur la version longue.
Très déçu. Après l'annonce que la MPAA avait apposé un R à cette version, je m'attendais à ce que l'épopée devienne barbare et sanglante, et que Peter Jackson renoue avec ses tripes...
Que nenni. Il y a bien du sang, ça et là, mais rien qui ne sorte de la violence cartoonesque à laquelle les deux précédents opus souscrivaient.
Mais surtout, les multiples ajouts ont beau être sympathiques, et parfois resituer des personnages dans la géographie ( la version courte avait son lot de "téléportations"... ) ils ne viennent en aucune manière corriger les manques. La Désolation de Smaug avait un bien meilleur début dans sa version longue, et avait su remettre en question tout un pan de la narration avec la découverte de Thrain. La Bataille des Cinq Armées lorgne plus du côté du Voyage inattendu : des petits bouts sympathiques, mais placés là en cadeau.
Un segment, en particulier, est jouissif : la charge de Kili, Fili, Dwalin et Balin à bord d'une charrette de la mort sur une rivière gelée. Sinon, les ajouts ne viennent pas combler les manques qui me frustraient tant. Pas de dwarvish windlance à Lake Town, le collier de Thranduil sort toujours complètement du récit à mi-chemin, et la guerre qui fait rage en bas est totalement oubliée une fois qu'on atteint Azog...
Seul l'Arkenstone trouve résolution dans une assez jolie scène de veillée funèbre.
Mais ce qui me chiffonne le plus, c'est que cette version ne tient même pas compte des ajouts de la version longue du 2 : Gandalf ne signale jamais à Thorin qu'il a revu son père, ce qui le fait vraiment passer pour un connard, et Beorn qui avait plus de poids dans la balance intervient comme ça, vite fait, histoire de...
Par la suite, Gandalf se fait humilier face à un troll, à cause du Sonic Screwdriver défectueux de Radagast... Scène totalement grotesque.
Au final, je conseille au néophytes de regarder les versions courtes du 1 et du 3 avec la version longue du 2 au milieu. Quitte à ce que Gandalf passe pour un connard de pèquenaud, autant que ça dure moins longtemps.