Ça y est c'est terminé, après un premier volet trop fidèle au livre, un second, hommage à Benny-Hill, on retrouve l'ultime épisode, qui fermera définitivement la trilogie du Hobbit. En tout cas on peut l'espérer, aussi bien pour nous que pour Jackson.
Apothéose d'une incohérence cumulée depuis deux ans, on peut difficilement en vouloir que le film s'emmêle les pinceaux et essaye de réparer les petites gaffes de ses aînés. Néanmoins on en ressort, avec pas grand-chose, seulement avec le tournis provoqué par la HFR (j'y reviendrai plus tard). Là où le cliffhanger très attendu du second devient la plus grosse farce pour l'introduction du dernier opus. Nous pouvons très rapidement balayer la ville humaine de la carte, qui restera qu’un tas de cendres sous une grosse barbaque. On retrouve la narration pâlement copiée d'un bouquin épisodique, où chaque chapitre nous propose une péripétie différente.
Comme je disais plus haut, Jackson va s'amuser à rapidement proposer des conclusions hâtives après un développement alambiqué de plusieurs heures.


On pourrait facilement s'acharner sur l'ami Peter, entêté à nous rappeler que Smaug est le plus grand dragon de l'Histoire, qu'il finira finalement en poussière et sera éradiqué en quelques secondes pour ensuite tomber dans l'oubli. Nous ne sommes pas assez méchant, en prêtant plus attention à l'histoire on se rend très rapidement compte que le film utilise cette mécanique depuis trois volets, les péripéties s'enchaînent sans cumule aussi bien physiquement que psychologiquement, les personnages servent à nourrir le décor plus qu'à nourrir une quelconque intrigue, le paroxysme étant atteint avec ces elfes qui incarnent à eux seuls le degré Kelvin de l'histoire. Il y a même de quoi refroidir un fan en furie avec Légolas. L'aberration Beorn du second volet illustre également cette logique implacable. On retrouvera ce campagnard qui viendra faire une pause dans la désolation, dont le seul but est de montrer aux fans que Peter a tout de même voulu suivre un peu le bouquin. Beorn, pardonne-les, ils ne savent pas ce qu'ils font. Inutile de préciser qu'il sera lui aussi oublié. On avouera tout de même que ce clin-d’œil scénaristique permettra de nourrir le sarcasme de Bilbo lorsqu'il sortira de son sac banane une noisette : « Regarde Peter, c'est tout ce qu'il reste du personnage Ikéa de l'épisode précédent ». Je fais abstraction de la pseudo-romance qui est juste ridicule par sa prévisibilité tant sa froideur ralenti les hardeurs de nos personnages.


On reconnaîtra que le tumulte intérieur de Thorin fut plutôt bien adapté, même s'il se noie dans la complaisance d'un pathos acharné, et que les changements d'attitude restent aussi invraisemblables que comiques. Ce court moment de lucidité sera rapidement enseveli sous la tonne de pièces de puzzle qu'ont éparpillées les scénaristes depuis le début. Il ne sera pas possible de s'attarder plus longtemps à la tempête sous un crâne, il y a trop d'autres histoires inachevées et
on doit malheureusement toujours accélérer la cadence pour les terminer. Azog passe définitivement au statut de boulet qu'il faudra tirer jusqu'au bout, Sauron perd peu à peu sa crédibilité et devient la parcelle fragile vers la communauté de l'anneau. Bilbo… et Bilbo, et Bilbo, disparu lui aussi dans les méandres de l'équilibre instable d'un film perdu.


Après, ce fond et cette histoire bâclée, on ne peut qu'espérer que le reste arrive tout même à suivre , ce qui nous livrerait à défaut d'un bon film un assez bon divertissement… Même pas. C'est techniquement mauvais, on retrouve ces travellings abondants vers l'avant avant chaque séquence, ça beau être fluide avec la double dose d'images numériques que l'on se prend dans les mirettes, cela reste lassant par ce manque créativité notoire. On en arrive à se demander si Jackson n'a pas honte de nous montrer son travail : il va sur-doser son film de gros plans à lumière synthétique jaune, pour éviter que l'arrière plan soit trop voyant. Il enfoncera encore le clou avec ses effets spéciaux, fait avec le fessier d'un orc. Sommet du gras et de la facilité : le match Playmobil entre les cinq fratries qui finalement n'évolue pas puisqu'il n'est tout simplement pas développé : la bataille restera sur le pied d'estrade du simple visuel artificiel. Elle est juste là pour montrer au spectateur la baston, aucun enjeu sur le dénouement ne sera visible, de toute façon on s'en fout : la bataille c'est juste le titre du film après tout. Face à cette difficulté de rendre le conflit cohérent on aura tout de même des gros plans sur Azog annonçant les assauts pour nous guider, ou le cousin de Thorin demandant de battre en retrait. Cela reste qu'un échappatoire à une guerre qui reste visuellement et techniquement mal racontée. De telle sorte à ce qu'au bout de trente minutes, Jackson abandonne les grands espaces et se concentre sur les combats individuels de Légolas et de quelques nains tentant de faire tomber Azog, laissant tomber encore une fois dans les ténèbres la bataille générale amorcée avant.


La nouvelle ère du numérique est annoncée : on veut fluidifier l'image et rendre plus vrai que vrai avec la 3D. L'intention est louable, mais le résultat est une calamité. Je ne ferai pas l’exception dans l'amas de critiques discréditant la « High Frame Rate » : on a un film qui ressemble à un jeu vidéo. D'ailleurs il est marrant de remarquer que la bande-annonce avant le film était pour World of Warcraft et son énième extension. On en arrive à se demander si les acteurs jouent réellement où est-ce que l'on aurait pas pris leurs visages en Performance Capture pour ensuite les greffer sur un ensemble de synthèse. On est alors face à un film où dès que l'on voit quelque chose à l'écran on ne peut que douter de sa présence, ainsi même les vrais décors, les vrais paysages sont complètement détruits dans l'incrustation de faux environnements. Quel dommage, j'avais vraiment l'impression que Cul-de-sac était fait avec des vrais collines et vrais figurants...


On a beau se dire que le film propose des éléments intéressants, mais force est de constater que quand c'est le cas, c'est souvent des références ou plagiat maladroite de la trilogie de l'anneau. Avec ce genre d'immondice qui vient toujours enrichir le paysage de films à gros budget, on offre un Graal pour ces assassins réactionnaires, prêts à hurler que c'était mieux avant.


En effet, c'était mieux.

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le 14 déc. 2014

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