En juillet 2012, on apprenait que Le Hobbit serait découpé non pas en deux films comme prévu initialement mais en trois, un choix étrange quand on sait que le bouquin de J.R.R Tolkien ne fait pas trois cents pages mais toujours plus acceptable que l’envie un temps annoncée de faire un film pour adapter le livre et une histoire originale pour « faire le lien » avec le Seigneur des Anneaux.
Lorsque Un Voyage Inattendu est sorti, on s’inquiétait encore de ce problème de longueur, que Peter Jackson a balayé d’un revers de la main avec un long métrage aussi rythmé que dense.

Cette année, il persiste et signe. La Désolation de Smaug est un film magistral.

La première sensation, quand ce nouveau voyage s’ouvre d’une manière particulièrement inattendue (sur une scène en flashback et un célèbre mangeur de carotte), c’est celle de retrouver de vieilles connaissances et de voir qu’elles sont toujours en grande forme. L’histoire reprend là où elle s’était arrêtée, à une forêt près : accompagné d’un Hobbit recruté pour ses potentiels talents de cambrioleurs et d’un puissant magicien veillant sur sa contrée, treize nains font route vers la Montagne Solitaire avec un seul but en tête : rentrer à la maison. Pourchassés par Azog et sa bande d’orcs chevauchants des Wargs (souvenez-vous, ils avaient été averti par le Roi des Gobelins), ils vont devoir affronter de nombreuses péripéties avant de rejoindre leur foyer et le faire cette fois sans l’aide de Gandalf, devant partir pour d’autres missions.

L’histoire rompt donc avec assez vite avec le rythme du Voyage Inattendu (une embuche, un début de bagarre, Gandalf qui sauve tout le monde), ce qui va notamment nous permettre de découvrir le potentiel d’un personnage : Bilbo. Porté par un Martin Freeman décidément parfait, le petit Hobbit montre que l’expérience face à Gollum l’a fait grandir. Le joyeux fumeur de pipes observant la Comté depuis le banc de son jardin a fait place à un héros, un vrai, prêt à tout pour sauver ses amis et bien décidé à les aider à finaliser leur quête. A ses cotés, les treize nains conservent l’unité du premier film, avec un Thorin cette fois d’avantage en retrait par rapport à Bilbo. Seul Kili aura réellement droit à ses moments de gloire au cours de l’histoire.

Dans cette deuxième partie comme dans la première, Peter Jackson choisit une nouvelle fois d’adapter Le Hobbit de J.R.R Tolkien et s’empare du texte pour mieux le faire sien. Les modifications apportées au Seigneur des Anneaux (le film) étaient parfois gratuites voir injustifiées. Ici, le réalisateur et scénariste assisté de Fran Walsh, Philippa Boyens et Guillermo del Toro fait des choix, plus drastiques que les précédents et qui feront d’avantage grincer les dents des fans hardcores de l’écrivain britannique. Oui, Legolas (Orlando Bloom, ravi d’être là) est présent dans l’histoire et il est accompagné d’un personnage inventé, la capitaine de la garde Tauriel (Evangeline Lilly, impeccable et dont la prestation badass fait instantanément oublier Liv Tyler). Oui, leur rôle est aussi important que celui de l’orc Bolg qui prend la relève de son père Azog. Oui, on assistera à un très long final entre les nains et les Orcs sous la Montagne Solitaire. Oui, Gandalf va se retrouver à Dol Guldur face au Nécromancien dans un effroyable face à face.
Oui, Peter Jackson modifie les écrits de Tolkien mais il le fait uniquement dans le but de servir son histoire. Il trouve une audacieuse manière de faire parler les araignées comme dans le livre sans que ça soit ridicule et tout en restant raccord au Retour du Roi. Il justifie la présence des Orcs (sortis d’un chapeau dans le bouquin), les lie à la montée en puissance de celui qui deviendra Sauron et, non content de boucler l’arc narratif des nains en les ramenant à la maison, sème les graines d’une troisième volet. Des petits éléments par-ci par-là uniquement destinés à nous amener au climax final : la Bataille des Cinq Armées. Puis au Seigneur des Anneaux.
Certains choix sont moins audacieux : Beorn est peu présent mais il fallait bien l’introduire, Bard (Luke Evans, parfait) est très lourdement présenté comme le potentiel tueur de dragons. Quelques gros sabots marquent le récit d’empreintes que Jackson ne sait éviter, focalisé qu’il est à finir son histoire.

Mais cela n’enlève rien aux multiples qualités d’un film qui n’a aucune scène laissée au hasard et qui bénéficie d’un rythme encore plus haletant que son prédécesseur, notamment grâce à la fameuse scène de la fuite dans les tonneaux et au climax face au dragon d’une bonne demi heure. Et quel dragon ! Benedict Cumberbatch prend sa grosse voix pour mieux inquiéter puis effrayer. C’est une créature immense et dangereuse dont le face à face avec Bilbo -et les dialogues de Tolkien- est un bonheur de tous les instants.
Évidemment, tout cela mériterait d’être vu en HFR car Jackson a une nouvelle fois pensé son film en 48 images par secondes. Sa caméra virevolte dans les scènes d’action et offre une nouvelle fois de sublimes plans de Nouvelle Zélande. Après cinq films se déroulant en Terre du Milieu, le Neo-zélandais n’est pas blasé un seul instant. Howard Shore, lui, livre une partition honorable avec une mention particulière au thème de Tauriel. On regrettera cependant l’abandon du thème des nains du premier film, pourtant très réussi et qui aurait parfaitement eu sa place aux dernières lueurs du Jour de Durin.

Les 2h40 de la Désolation de Smaug se dégustent comme du petit lait, sans jamais voir le temps passer. C’est là que Peter Jackson choisit de terminer son film, de la façon la plus abrupte et la plus frustrante qui soit, à l’image d’un cliffhanger de série télé. La plupart des sagas se terminent toujours de manière plus ou moins joyeuse tout en laissant des choses en suspend, comme l’Empire Contre Attaque qui se finit sur un plan de Luke et Leia de dos, façon « happy end malgré tout ». Ici, la coupure est nette, inattendue et de nombreuses questions vont rester en suspend.

On n’a jamais été aussi impatient de voir la troisième partie d’un film aussi vite après la fin de la seconde. Il faudra malheureusement attendre toute une année pour une dernière histoire, un dernier aller-retour en Terre du Milieu.
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le 10 déc. 2013

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