Critique pour la Trilogie


Un Voyage Inattendu : 8/10
La Désolation de Smaug : 6/10
La Bataille des Cinq Armées : 5/10


Le Seigneur des Anneaux est désormais un titre qui brille en lettres d’or chaque fois que mon regard se pose dessus. C’est une pépite, sans conteste mon plus gros coup de cœur cinématographique. Et la perspective de prolonger le voyage en Terre du Milieu lors de l’annonce de la trilogie du Hobbit, de renouer avec des émotions oubliées et de retrouver le plaisir de la découverte me réjouissait. Hélas, force est de constater que Le Hobbit n’est pas ciselé dans un métal aussi noble que son ainé.


Beaucoup remettent en cause le matériau d’origine, maigre bouquin d’à peine 300 pages qui adopte un ton plus léger que l’œuvre maitresse de Tolkien. Pour ma part, j’attribue le (relatif) échec critique de cette nouvelle trilogie aux divers choix de production, de réalisation et d’écriture qui ont été faits. Car j’ai la conviction que de ce petit livre aurait tout de même pu naître un grand film. Un Voyage Inattendu, premier opus de l’adaptation du Hobbit, le prouve dans ses moments de fulgurance où l’on retrouve la mélancolie et le souffle épique propres au SDA. Malheureusement, plus on avancera dans la trilogie, et moins ces fulgurances seront nombreuses.


Plus d’un an après la sortie du dernier opus, c’est avec davantage de recul que j’aborde cette critique de la trilogie qui m’a finalement plutôt déçu, en particulier ses deux derniers films.



Trois films furent donnés à la race des Hommes…



...qui fatalement serait prête à débourser autant d’argent qu’il le faudrait pour voir le bout de l'histoire. Voilà ce qu’a dû penser la production quand la question du découpage s’est posée.


Commençons par enfoncer des portes ouvertes : la décision de faire du Hobbit une trilogie a clairement nuit au projet. D’abord car le trop peu de matériel aura contraint Peter Jakson à broder pour tenir la distance, ensuite parce que le découpage est on ne peut plus mal pensé.


Deux longs-métrages n’auraient-ils pas suffi ? La compagnie des nains arrivant au pied du Mont Solitaire à la fin du premier, et le second débutant par l’entrée dans Erebor ? Au lieu de ça, on se retrouve avec des films coupés au hachoir, et à la frustration de découvrir une fin tronquée pour La Désolation de Smaug s’ajoute celle d’un départ en trombe qui peine à embarquer le spectateur dans La Bataille des Cinq Armées. Un film qui boucle les deux principaux arcs narratifs des opus précédents dans la première demi-heure (en respectivement 10 et 7 minutes), et qui peine donc à réintroduire de nouveaux enjeux justifiant les 2h restantes.


Vient ensuite la question du remplissage qui se fait de plus en plus sentir à mesure qu’on avance dans l’histoire. Parce qu’on ne va pas se mentir : tenir 3 fois 2h30 pour adapter le Hobbit, c’était juste impossible. Alors ça commence doucement en étalant longuement des scènes pas forcément essentielles comme celle des trolls du premier opus, puis que je te case une bataille de géants de pierre ni vu ni connu j’t’embrouille, pour finalement arriver à du remplissage bien moins subtil, unique raison justifiant l’existence de l’amourette avec Tauriel, la course-poursuite interminable avec Smaug ou une bataille finale qui n’en finit plus. Bref, on ressent clairement cette volonté d’étirer le récit.


C’est d’autant plus malheureux quand on considère qu’une des grandes réussites de Peter Jakson dans l’adaptation du SDA était d’avoir su élaguer les passages moins forts du livre sans en perdre l’essence. Une belle ironie que de tomber dans l’extrême inverse avec le Hobbit !


Enfin, les films s’articulent trop souvent autour de scènes bien distinctes qui s’imbriquent les unes après les autres sans forcément de liant. Ça donne un rythme un peu haché et manquant de fluidité. La Désolation de Smaug est sans doute le plus symptomatique de cette sensation avec sa succession d’étapes qui fait beaucoup penser à la progression par niveaux chère au schéma vidéoludique : Beorn, la Forêt Noire, les araignées, la cité elfe, la descente en tonneau, Lacville, Erebor, la course-poursuite avec Smaug, et en parallèle les niveaux bonus avec Gandalf au pays des orcs.


La production voulait trois films, et elle les a eus au détriment de la qualité de l’adaptation. À mon sens, cette décision a conditionné beaucoup de choix scénaristiques foireux dont l’unique objectif était de combler les vides pour tenir les 7h30 de bobine.



Il était une fois un hobbit…



…treize nains, un magicien, un peuple d’elfes, un autre d'hommes et plein de méchants.


Rien que ça ! L’autre gros souci de cette adaptation, c’est qu’elle se noie complètement dans la foultitude de sous-intrigues qu’elle met en place. Entre la quête de Gandalf à Dol Guldur, les ambitions de Thranduil, la romance Tauriel/Kili et les craintes de Bard, il vient un moment où l’on en oublierait presque que l’histoire concerne à la base Bilbon Sacquet et la compagnie de nains !


C’est dommage ! Quand on voit le boulot d’interprétation de Martin Freeman ou de Richard Armitage, on ne peut que regretter de voir leurs personnages relayés au second plan dans La Bataille des Cinq Armées. Thorin reste de loin le plus sous-exploité de tous avec des revirements psychologiques trop bruts qui manquent clairement de subtilité. L’influence néfaste de l’Anneau sur Bilbon est minime (à peine une scène dans La Désolation de Smaug) alors qu’elle aurait pu constituer un axe de développement très intéressant. Quant au reste des nains, ils ont beau être treize, on ne voit guère que Balïn et les deux beaux gosses, mais les autres sont complètement oubliés. Donc je suis déçu, car donner un peu plus de personnalité à chacun des membres de cette petite compagnie aurait sans doute mieux valu que de se taper les états d’âme de tout le reste de la Terre du Milieu.


Pour ma part, j'ai le sentiment que ce temps de pellicule revient à des personnages et autres ajouts loin d’être indispensables. Pourtant, l’idée de développer plus en profondeur l’univers de la Terre du Milieu me semblait pertinente et j’étais bien le premier à défendre toutes les causes perdues de la trilogie (coucou Tauriel !). Mais avec le recul, on ne peut qu’admettre que ça ne prend pas. J’ignore si ça vient d’un problème de traitement des personnages, mais qu’on parle de l’amourette entre une elfe et un nain, du caméo de Dark Legolas ou des personnages faisant la politique de Lacville, on n’y croit pas deux secondes. Alors finalement, n’aurait-il pas mieux valu se concentrer sur le périple des nains ?


Au final, de toutes les intrigues parallèles que développe la trilogie, une seule mérite à mon sens d’être sauvée : celle du retour de Sauron. Non pas qu’elle soit bien traitée dans les films (oh non !), mais je la pense fondamentalement intéressante. Beaucoup reprochent au Hobbit de n’être qu’un préquel au SDA – et c’est le cas – sauf que de mon point de vue, c’est effectivement ce qu’il devait être ! Faire l’impasse sur les événements qui se déroulent en parallèle du Hobbit et qui aboutissent au contexte que l’on connait de la première trilogie m’aurait profondément déçu. Il fallait un liant, quelque chose qui soude les deux œuvres. Après on pourra toujours discuter sur la façon dont est menée cette intrigue, en particulier son dénouement, mais dans le fond je persiste à penser que l’idée était bonne.



Victime de son époque



J’en viens au point essentiel de cette critique car c’est je pense celui qui aura provoqué le plus de déception : la trilogie du Hobbit est victime de son temps, d’une époque où toutes les productions subissent une blockbusterisation (non, ce mot n’existe pas) outrancière.


Aujourd’hui, la mode cinématographique est au grand spectacle.
Et Le Hobbit est une trilogie spectaculaire.
Tout est fait pour qu’on en prenne plein les mirettes et on se mange des explosions d’effets spéciaux à tire-larigot, en témoignent la fameuse course-poursuite dans Erebor qui dure 30 plombes ou bien sûr la fameuse bataille des cinq armées. Alors ok, c’est beau, ça pète et tout ça, mais ça n’évacue pas le problème de fond : cette surenchère d’effets numériques se fait toujours au détriment de l’ambiance du film.


Et puisqu’il faut amuser le spectateur, ajoutons un « soupçon » (argh !) de fan-service. Sur le principe je suis pas contre, mais là on sombre encore une fois dans la surenchère. Je passe sur la repompe de la scène Arwen/Frodon – aussi subtile qu’un troupeau d’éléphants dans un magasin de porcelaine – pour en venir au cas Legolas, caricature de tout ce qu’il y a de plus moche dans cette stratégie qui consiste à appâter le spectateur. Le personnage a été complètement tué par cette trilogie, dénaturé pour correspondre à cet archétype du "badass" censé plaire au public, qui lui aurait préféré retrouver l'elfe discret et charismatique du SDA. Enfin, je me demande pourquoi vouloir désamorcer chaque situation dramatique par une pointe d’humour, souvent d’une lourdeur sans nom à la limite du gênant, comme c’est le cas de toutes les interventions d’Alfrid (le conseiller du Maître de Lacville pour les 98,758% qui auraient oublié son nom).


Alors la conclusion n’est finalement pas surprenante : Le Hobbit est une trilogie qui amuse 2 minutes le temps d’une séance de ciné qu’on passe bien calé dans son fauteuil, mais qu’on a presque oubliée trois jours plus tard, l’amusement faisant place à la frustration rien qu’en songeant à ce qu’elle aurait pu être.


Le Hobbit a perdu ce qui faisait l'ambiance de la première trilogie. Il n’a pas d'identité, pas d’âme. Il est artificiel là où le SDA dégageait une puissante sensation d’authenticité et de sincérité.



Conclusion



C’est pourtant pas faute d’y avoir cru.


Un Voyage Inattendu est traversé de véritables fulgurances dans lesquelles on retrouve l’essence du Seigneur des Anneaux.


J’ai été parcouru de frissons dès l’introduction, lorsque Bilbon nous raconte les merveilles du royaume d’Erebor et l’attaque de Smaug. Une seconde fois, pas longtemps plus tard alors que les nains entonnent un chant grave et mélancolique au coin du feu. Le récit des exploits héroïques de Thorin que nous conte Balïn, la confrontation entre Bilbon et Gollum, la fuite grâce aux Aigles ou la découverte de Smaug sont autant de scènes franchement marquantes dans lesquelles on renoue avec l’essence de la première trilogie.


Par ce genre de scènes, on prend la mesure de ce qu’aurait pu être l’adaptation du Hobbit… et fatalement de ce qu’elle n’est pas. La trilogie est constamment parasitée par un spectaculaire malvenu, un fan-service omniprésent et un remplissage pesant. Par des choix de production et de réalisation de notre époque où le blockbuster bien burné semble l’unique règle cinématographique.


Alors je mentirais si je disais que j’ai détesté. On parle d’un univers qui me fascine depuis longtemps et mon sentiment se rapproche davantage d’une grande frustration à l’idée de ce qui a été raté. Peter Jakson a oublié ce qui faisait l’identité de son œuvre majeure, Le Seigneur des Anneaux. Il a oublié de nous raconter une histoire et s’est posé en metteur en scène grotesque, s’ancrant dans la mode actuelle en espérant acheter son spectateur.


On se souviendra longtemps du SDA car c’est une véritable aventure, touchante et emprunte de poésie. Le Hobbit nous laissera quant à lui le souvenir fugace d’un divertissement occupant vaguement l’esprit l'espace d'un instant.

Gilraen
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le 1 mai 2016

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Gilraën

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