Le nouveau Karl Marx est arrivé : 100% blabla, 0% Marxisme.

Pfff… Je ne sais pas quoi dire…
Moi ce genre de films là, ça me sidère…
Tu fais un film sur Karl Marx et tu décides de faire l’impasse sur sa philosophie…
Ça, je ne COMPRENDS pas.


Le pire c’est que ce n’est pas comme si le film s’était interdit de parler politique parce qu’il voulait éviter le blablatage. Non, même pas.
Ce film, c’est du blablatage de long en large.
Quand bien même il aurait su retranscrire avec intelligence la pensée marxiste ou bien même – à défaut – brosser la structuration des mouvements ouvriers j’aurais déjà trouvé que c’était un gros problème.
Parce que pour moi, un biopic doit savoir aller au-delà de la simple resucée de page Wikipédia.
A un moment donné, l’art oblige à incarner des personnages et une époque.
Ça doit passer par des artifices scénaristiques.
Ça doit passer par de la chair, de l’émotion, des enjeux…
Là, on a juste à faire à un premier quart d’heure qui essaye de se débattre comme il peut avec une introduction imagée puis à une relation amoureuse assez plate entre Karl et Jenny (avec en guise de cerise sur la gâteau la traditionnelle scène de coït qui tombe à plat car elle n’est absolument pas l’aboutissement d’une tension sexuelle traduite précédemment à l’écran. Le fail classique quoi…)


Et puis après ce premier quart d’heure là, les efforts disparaissent.
On rentre très rapidement dans le schéma plan-plan : Karl rencontre ses potes philosophes pour philosopher OU Karl est avec sa famille, confronté à la nécessité de l’entretenir.
Autant dire que c’est vraiment l’application la plus basique et la plus poussive du biopic qui soit...


Mais bon, comme je le disais plus haut, le pire n’est pas là.
Le pire c’est qu’en plus de tout ça, le marxisme est finalement le grand absent du film.
C’est même totalement dingue de constater comment ce film avance tout en excluant très rapidement les ouvriers et les idées de ses centres d’intérêts.
A la place, on se retrouve avec une seule lecture évènementielle de sa vie, dépourvue de toute chair et de toute idée, un peu comme une adaptation pourrie du « Seigneur des Anneaux » qui n’a pas compris que l’intérêt du bouquin se trouvait dans la description de l’univers et non dans le récit superficiel des étapes du parcours… (Euh.. Ah oui c'est vrai...)


Ainsi voit-on dans ce film un Proudhon et un Marx jouter souvent ensemble mais sans vraiment rentrer dans les détails.
Au bout d’un moment, on se retrouve carrément avec les deux gars qui se fightent par bouquins interposés, les fameux « Philosophie de la misère » contre la « Misère de la philosophie » ; mais à aucun moment le film ne nous prend la peine de nous expliquer le contenu des deux ouvrages.
On a juste droit à la place à une femme qui expose aux gens que Proudhon a écrit le premier et que Marx l’a désossé avec le second.
Comment ? Avec quel résultat final ?
Bah ça on n’en saura jamais rien.


Le film fuit tellement son sujet qu’à la fin, quand j’ai entendu pour la première fois le mot « communisme », je me suis carrément surpris à me dire « Ah mais oui c’est vrai qu’on me parle du Marx qui est à l’origine du marxisme ! »
Et là, j’en suis venu à me demander qu’est-ce qui a pu passer à l’esprit de Raoul Peck quand il s’est lancé dans ce film…


Parce que bon, qu’on ne sache pas retranscrire un débat d’idées en situations concrètes et incarnées, ça encore je peux le comprendre.
Effectivement ça nécessite un talent et une créativité que tout le monde n’a pas forcément.
Mais par contre, vouloir faire un film politiquement correct et absolument pas subversif en choisissant comme sujet Karl Marx, là, moi, je ne comprends plus du tout la finalité de la démarche.
Là on n’est plus dans l’absence de talent, on est carrément dans la stupidité pure et dure.


Non mais oh quoi ! Marx sans politique ?
Mais c’est comme vouloir faire une adaptation de « Fifty shades of Grey » au cinéma qui soit seulement interdite aux moins de 12 ans ! (Euh.. Ah oui c'est vrai...)


Alors OK, au moins ça sait poser une caméra sur un trépied, ça sait faire jouer ses comédiens pas trop gauchement et ça fait une photographie plutôt jolie. Mais après ?
Quand l’idée de base est déjà moisie dès le départ, plus rien ne peut la sauver.


Du coup, vous l’aurez compris, moi des films comme ça, je les range sans scrupule aucun aux côtés des gros nanars qui, non seulement n’apportent rien, mais qui en plus font plus de mal qu’autre chose.
Parce que bon, réduire Marx à cette espèce de peinture bobo sans fond ni âme, c’est un peu comme faire fabriquer des T-shirts Che Guevara dans des usines de fringues au Viet-Nam : plus qu’un contresens, ç’en devient une hérésie…

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le 1 oct. 2017

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