Vous croyez que Jane Austen aurait aimé le pull renne ?

Noël approchant, et dimanche frisquet oblige, je me suis lancée dans le Journal de Bridget Jones. Après une 1h37 d’ascenseur émotionnel, où hilarité, honte profonde et larmichette se mêlent, ça me saute à la figure. Une évidence.


Le Journal de Bridget Jones n’est autre qu’une adaptation moderne d’Orgueil et préjugés de Jane Austen, paru en 1813.


Démonstration.
Tout en respectant la chronologie des deux œuvres.


Présentation des personnages


D’un côté on a Bridget Jones, trentenaire un peu paumée, complètement gauche (voire ridicule disons le franchement) qui cherche désespérément l’amour pour « ne pas finir à moitié dévorée par ses chiens ». De l’autre, Elizabeth Bennet, qui si elle « n’a rien de plus que les autres ; elle est beaucoup moins jolie que Jane et n’a pas la vivacité de Lydia », a « un peu plus d’esprit ». Pas grand-chose en commun, pour l’instant on est d’accord.


On continue.
Les parents de Bridget/Elizabeth.
Chez Jane Austen, le « grand souci » de Mme Bennet «dans l’existence était de marier ses filles et sa distraction la plus chère, les visites et les potins ». Côté Bridget on essaie de la caser régulièrement lors de Noël où la mère invite toute une smala autour d’une dinde au curry. Autre point commun, dans les deux cas, le père est très proche de sa fille et se moque, plus ou moins ouvertement, des agissements de son épouse.


Arrive Darcy, Marc d’un côté, Fitzwilliam de l’autre (oui oui tous deux ont le même nom de famille…). La description donnée par Jane Austen convient parfaitement pour Marc Darcy : il a la « haute taille, la belle physionomie, le grand air » mais « on s’aperçut bientôt qu’il était fier, qu’il regardait tout le monde de haut et ne daignait pas exprimer la moindre satisfaction ». Alors qu’avouons-le, son pull renne en fait rêver plus d’un ! Bref : « on le déclarait antipathique ». Bien dommage pour les deux mères : on a un avocat de renom et un riche « qui possédait dix mille livres de rente ».


Et le moment où tout bascule pour Bridget. La petite confidence de Darcy à sa mère qui lâche un « ne cherche pas à me caser et surtout pas avec une vieille fille bavarde qui fume trop, bois comme un trou et s’habille comme sa mère ». Bridget, qui tente de conserver un minimum de dignité, sort un pathétique « Miam ! De la dinde au curry. Mon plat préféré ». Darcy catégorisé connard de l’année.
Scène similaire côté Jane Austen. Darcy se confie à son ami, Bingley, lorsque celui-ci lui dit d’inviter Elizabeth à danser. Réponse sanglante : « Elle est passable, mais pas assez jolie pour me décider à l’inviter. Du reste je ne me sens pas en humeur, ce soir, de m’occuper des demoiselles qui font tapisserie. » Elizabeth est alors « animée à son égard de sentiments très peu cordiaux. »
Tu m’é-ton-nes ! Darcy catégorisé goujat de l’année.


Clap de fin acte 1.


Daniel Cleaver/George Wickham le magnifique.


Elizabeth Bennet tombe sous le charme de Wickham. « L’uniforme seul manquait à ce jeune homme pour le rendre tout à fait séduisant. Extérieurement tout était en sa faveur : silhouette élégante, belle prestance, manières aimables ».
Bridget Jones fantasme sur Daniel Cleaver. En lieu et place d’une description je me contenterai juste de ça : Hugh Grant.


Petit bémol : Le regard de Darcy, dans les deux œuvres, tombe « sur l’étranger et leurs regards se croisèrent. Elizabeth (/Bridget) qui les regardait à cet instant fut satisfaite de l’effet produit par cette rencontre : tous deux changèrent de couleur ; l’un pâlit, l’autre rougit. Mr. Wickham, au bout d’un instant, toucha son chapeau et Mr. Darcy daigna à peine lui rendre ce salut ». Et pour cause les deux se connaissent depuis la fac côté Bridget, depuis l’enfance côté Austen.


Et vient la petite confidence, d’où part tout le quiproquo du film et du livre.
Dans le film, Daniel Cleaver avoue à Bridget que Darcy, témoin de son mariage, a couché avec sa fiancée. Dans le livre de Jane Austen, on reste dans le vague. Wickam évoque des « mauvais procédés » de la part de Darcy qui se serait « conduit d’une manière scandaleuse ». Qu’importe, Elizabeth/Birgdet exècre désormais Darcy.


Petit problème pour Darcy : il se rend compte que Bridget/Elizabeth ne le laisse pas indifférent.
« Mais à peine avait-il convaincu son entourage du manque de beauté de la jeune fille qu’il s’aperçut que ses grands yeux sombres donnaient à sa physionomie une expression singulièrement intelligente. D’autres découvertes suivirent, aussi mortifiantes : il dut reconnaître à Elizabeth une silhouette fine et gracieuse et, lui qui avait déclaré que ses manières n’étaient pas celles de la haute société, il se sentit séduit par leur charme tout spécial fait de naturel et de gaieté ». Il finira par lui avouer ses sentiments plus tard de le livre : « En vain ai-je lutté. Rien n’y fait. Je ne puis réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire l’ardeur avec laquelle je vous admire et je vous aime. »
Marc Darcy, lui, avoue à Bridget : « Certains côtés sont ridicules chez toi. Ta mère est «intéressante ». Quand tu parles devant un public, tu es navrante. Tu as tendance à dire ce que tu penses sans réfléchir aux conséquences. Malgré les apparences, je t’aime… beaucoup. »


L’incertitude de Bridget/Elizabeth : son cœur balance


Chez les deux femmes, on sent des sentiments contraires. « En dépit de sa profonde antipathie, Elizabeth ne pouvait rester insensible à l’hommage que représentait l’amour d’un homme tel que Mr.Darcy. Sans que sa résolution en fût ébranlée un instant, elle commença par se sentir peinée du chagrin qu’elle allait lui causer, mais, irritée par la suite de son discours, sa colère supprima toute compassion, et elle essaya seulement de se dominer pour pouvoir lui répondre avec calme lorsqu’il aurait terminé. ». Idée que l’on retrouve chez Bridget Jones lors de la confidence de Darcy en bas de l’escalier ou lors du repas à la fameuse « soupe bleue ».


Une bagarre éclate entre Marc Darcy et Daniel Cleaver. Bridget, qu’on pensait se rapprocher de Marc, finit par le rejeter violemment pour retomber dans les bras de Daniel. Elizabeth, quant à elle, refuse purement et simplement la demande en mariage de Darcy.


La révélation : oh le salaud !


Elizabeth Bennet apprend, finalement, la vérité sur la haine qui lie les deux hommes par une lettre que lui écrit Fitzwilliam Darcy. Extrait : « il [Wickham] arriva si bien à toucher Georgiana [la petite sœur de Darcy], dont l’âme affectueuse avait gardé un bon souvenir de son grand camarade d’enfance, qu’elle finit par se croire éprise au point d’accepter de s’enfuir avec lui. […] Je me hâte

d’ajouter que c’est à elle-même que je dus d’en être averti. J’arrivai à l’improviste un jour ou deux avant l’enlèvement projeté, et Georgiana, incapable de supporter l’idée d’offenser un frère qu’elle respecte presque à l’égal d’un père, me confessa tout. Vous pouvez imaginer ce que je ressentis alors et quelle conduite j’adoptai. Le souci de la réputation de ma sœur et la crainte de heurter sa sensibilité interdisaient tout éclat, mais j’écrivis à Mr.Wickham qui quitta les lieux immédiatement ».


Bridget Jones apprend enfin la vérité. Cleaver s’est légèrement amusé avec la femme de Darcy.


Happy End


Finalement Elizabeth fini par accepter la demande en mariage de Darcy. « Elle lui fit entendre que depuis l’époque à laquelle il faisait allusion, ses sentiments avaient subi un changement assez profond pour qu’elle pût accueillir maintenant avec joie le nouvel aveu des siens. Cette réponse causa à Darcy un bonheur tel que sans doute il n’en avait point encore éprouvé un semblable, et il l’exprima dans des termes où l’on sentait toute l’ardeur et la tendresse d’un cœur passionnément épris. »


Et Bridget, dans sa superbe petite culotte zébrée, finit par embrasser Marc Darcy, sous le regard médusé des passants.


FIN
Et histoire de se convaincre complètement. Colin Firth joue Marc Darcy dans le Journal de Bridget Jones. Et Fitzwilliam Darcy dans le film Orgueil et préjugés réalisé par Simon Langton et Andrew Davies en 1995. Même nom, même personnage.


Le scénario du Journal de Bridget Jones m’a toujours plus. Au-delà des acteurs, des situations concasses, il est bien rodé.
Et pour cause : c’est une adaptation d’un de mes livres préférés.

Chavia
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le 18 déc. 2016

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