Trois ans. Pour un acteur de la trempe de Robert Downey Jr., c’est long. C’est pourtant le temps qu’il aura fallu pour qu’un des acteurs les plus bankable du moment lâche enfin son costume d’Iron Man contre un rôle qui n’inclut pas de sauver le monde. Ce sera dans Le Juge, un drame du barreau comme l’Amérique en produit tant. Ira-t-on plus loin que la simple jurisprudence ?
Il ne faut que quelques secondes à Le Juge pour affirmer son identité états-unienne. Après la mort de sa mère, Hank, avocat plein aux as et un brin enclin à la condescendance de l’ultra-libéral, est contraint de revenir chez lui. Un Home Sweet Home qui sent l’Amérique profonde à plein nez, celle des valeurs ou des pouilleux, suivant que l’on ait réussi à s’en extirper ou non. Il y retrouve ses deux frères, Glen et Dale, interprétés par Vincent « Baleine » D’Onofrio en sportif raté et Jeremy Strong, léger attardé mental pour la caution « Vérité instinctive / Tendresse Forrest Gump ».
Le tout est uni par une colle dure et froide, incarnée à la perfection par Robert Duvall. L’acteur de 83 ans campe un juge de petite ville aussi vindicatif et cassant que le marteau qu’il brandit non sans vergogne pour condamner les criminels de bas-étage et autres délinquants en herbe de la région. Une figure évidemment contrastée entre valeurs et fermeture émotionnelle qui explose entre la mort de sa femme, sa maladie et le meurtre qu’il commet sur un ancien violeur qui lui a filé entre les doigts il y a un quart de siècle de cela.
UN CASTING QUI TIENT LA BARRE
David Dobkin, réalisateur plutôt habitué de la comédie qui tâche entre Sérial Noceurs et Echange Standard, s’attaque à un sujet éminemment plus sérieux. Suivant à la trace un chemin de fer déjà longuement et fréquemment arpenté par le cinéma américain, celui du drame criminel débordant sur le drame familial, Le Juge déverse un lot impressionnant de valeurs-refuges, pour des dialogues plaisants et bien construits mais ne laissant jamais place à la surprise.
L’exercice est policé mais heureusement parfaitement maîtrisé. Difficile d’accrocher un casting aussi solide que celui-ci, permettant d’aborder en confiance les 2h20 nécessaire à un tel scénario. Robert Downey Jr. cabotine sans en faire trop et permet à la fois une certaine légèreté dans le propos comme une diversité dans la mise en scène. Fort heureusement, puisque Dobkin évite ainsi de nous enfermer tout du long dans un tribunal que même Billy Bob Thornton, le procureur adverse, peine à rendre vivant. Chaque fissure de la relation père-fils entre Duvall et Downey Jr. se reflète dans la vie personnelle de ce dernier : un procédé bienvenu pour donner quelques voies annexes au scénario.
Le Juge possède d’indéniables qualités et mérite certaines éloges qu’on lui attribue. Toutefois, difficile d’assurer que le film touchera le cœur des critiques européennes, de presse comme de spectateurs. Taillé pour un public américain, le voyage outre-Atlantique risque d’être à sens unique. Le Juge sait plaider sa cause, mais fait face en France à un jury qui ne lui sied pas.
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