Du Boisset pur jus, revendicateur et radical : l’homme injecte dans son protagoniste toute la force de sa conviction pour porter à bras le corps une critique virulente de la France des années 70 et sa politique. Le juge Fayard dit le Sheriff, c’est avant tout Patrick Dewaere, pile électrique nourrie à la droiture, vissée sur les rails d’une morale inflexible, bien décidée à faire tomber le rideau dissimulant les haut rapaces qui se goinfrent dans l’ombre de transactions illégales bien loin de la convenance qu’ils aiment s’attribuer.


Malgré une écriture efficace, un lead exemplaire et des gueules singulières, Le juge Fayard dit le Sheriff souffre parfois d’une mise en scène qui s’essouffle lorsque l’action s’invite à l’écran mais aussi, et c'est plus embêtant, de seconds rôles plus qu’approximatifs. Si Dewaere est quasiment de chaque plan, qu’il irradie de son charisme naturel, lorsqu’il partage le cadre avec Aurore Clément par exemple, l’institutrice de caractère qui partage sa vie, l’alchimie n’y est pas : leurs dialogues sonnent creux et leur relation peine à s’installer. Boisset misant beaucoup sur ce fil rouge narratif pour conclure son histoire, il manque de peu son final : bien que puissant en l’état car très noir, ce dernier aurait pu l’être encore davantage si cette trame narrative avait été mieux interprétée.


C’est bien dommage car ces approximations – on pourrait également citer le personnage de l’ombre poussant sans cesse Fayard, qui manque cruellement de densité – tirent le film vers le bas. Épuré de ce genre de défauts, qui peuvent paraître minimes, mais qui font tout de même beaucoup de mal au rythme dans son ensemble, Le Juge Fayard dit le Sheriff aurait pu être un polar noir autrement plus percutant. Qu’on s’entende, il l’est : on finit les hostilités le moral dans les chaussettes, passablement énervé, les babines retroussées, prêtes à charcuter les belles cravates qui dissimulent leurs crimes avec quelques discours savamment orchestrés. Mais il aurait pu l’être davantage, comme il aurait pu faire référence dans son genre s’il n’avait pas été pollué par des personnages sacrifiés et une romance maladroite qui ne sert finalement jamais vraiment l’intrigue principale.

oso
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le 15 juil. 2015

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