Le labyrinthe de Pan est une œuvre déséquilibrée qui n’arrive pas à trouver le juste équilibre entre film de guerre vaguement historique et conte de fée fantastico-morbide.


Comme un vieux disque vinyl, le film possède deux faces. La face A et son histoire de militaires franquistes dirigés par Sergi Lopez, le Amon Goeth local, déçoit par son manque d’ambition et d’originalité. C’est calibré, tous les personnages typiques de ce genre de production répondent à l’appel : le chef sadique, la bonniche infiltré, le gentil médecin, l’épouse transparente, les rebelles au grand cœur. Tout ce petit monde vivote, se croise, se jauge, se juge et finalement s’entredéchire. Comme c’est Guillermo à la caméra, ça passe, c’est beau, léché et fluide. Mais avec le recul, tous les artifices du maître n’arrivent pas à occulter la vacuité de cette ensemble.


Face B, la plus intéressante et paradoxalement la plus courte. On retrouve le savoir faire du mexicain pour les mondes oniriques et monstrueux. Il y a un vrai souci de narration, les inventions visuelles sont délectables, chaque plan donnant lieu à de magnifiques tableaux à l’ancienne, sans indigestion pâteuse de cgi. On suit avec plaisir et angoisse le parcours initiatique de la jeune Ophélia, princesse des rêves. Comme disait très justement mon auteur préféré « les rêves c’est comme les vitres : quand on les touche du doigt ça laisse des traces ». Alors que l’essence du film aurait pu (dû ?) se concentrer sur cette idée, Del Toro s’enlise dans une confrontation franquistes/maquisards qui n’apporte rien tant elle est prévisible. On a beau vibrer à chaque découverte de la jeune Ophélia, ses pérégrinations sont noyées dans cette face A et n’influent en rien, ou si peu, sur le déroulement de l’histoire.


En gros, les rêves c’est de la merde, ça fait juste pousser une fleur sur un arbre mort. Un message abrupt et déstabilisant de la part de Guilermo Del Toro. Cette incompatibilité entre rêves et réalité, cette impossibilité de coexister, voilà surement ma plus grande déception. Alors que les fantasmes et autres chimères devraient en composer l’ossature, cette réalité manichéenne s’effondre sous le poids de sa propre banalité.


Guillermo Del Toro a voulu parler de la bêtise humaine par ses ambassadrices les plus pertinentes : guerre et cruauté. Il a oublié en chemin d’y insuffler sa propre personnalité, effacée derrière ce témoignage plus maladroit que stylisé. Les bonnes intentions font rarement de bons films.

Alyson_Jensen
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le 7 août 2014

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