Avec Le Labyrinthe des rêves, Sogo Ishii capte cette porosité entre la réalité et la fiction qui change le film en long rêve éveillé : les protagonistes n’ont de cesse de nous échapper, d’opère un véritable flottement de leurs identités au gré des rencontres, des humeurs et des vagues. Qui est le meurtrier ? Y-a-t-il d’ailleurs un meurtrier ? Qu’attend au juste la jeune Tomiko de l’existence ? À partir d’une lenteur narrative s’exécute pourtant une destinée vrombissante, à l’image du train lancé à pleine vitesse sur les rails où errent les solitudes à la recherche de toute forme d’adrénaline. La locomotive agit en accélérateur de particules : elle produit un déplacement définitif, la cassure d’une rêverie ; l’on passe de l’autre côté, l’on revient à la morne réalité, déjà moins morne parce qu’on en a tiré quelque chose, un fruit, un enfant, et qu’en lui réside l’espoir. La fiction comme évasion paradoxale qui change la marge en ligne de fuite pourtant toute droite : les routes de terre débouchent sur la voie ferrée, sur le destin qui reprend ses droits. Au terme de ce Labyrinthe des rêves, c’est le doute identitaire qui explose dans le cœur du spectateur avec, en prime, le portrait d’une héroïne qui a accepté de se perdre un temps pour pouvoir se trouver : de receveuse, elle devient donneuse de vie. Sublime.