Il est tentant de consacrer la médiocrité en lui reconnaissant une valeur voire un statut ; c’est une manière de renverser les autels consacrés, de bâtir un panthéon souterrain dans lequel seraient exhumées les pires œuvres, offrant ainsi au spectateur une position de fossoyeur légitime en réaction à la critique officielle. Posture ô combien hypocrite car éminemment anachronique : un nanar ne peut être qu’un film d’un certain âge dépourvu de ce second degré qui aujourd’hui envahit nos écrans de cinéma de la plus sournoise manière qui soit. Ce qui nous fait rire résulte essentiellement d’un décalage lié au temps et ne rend pas justice à l’œuvre considérée, la déforme à grands coups de jugements gorgés de supériorité et autoproclamés. La preuve : les métrages contemporains étiquetés comme nanars n’existent pas ou alors se comptent sur les doigts d’une main. Le nanar est donc l’affirmation d’une supériorité de jugement par un collectif habituellement écarté de la reconnaissance critique et qui trouve dans ces si mauvais films – oubliés de tous – une occasion de révolte et donc d’existence ; sa logique est celle du miroir inversé : pire c’est, meilleur c’est. Car jamais un nanar ne remettra en cause cette étiquette qui lui offre une visibilité, une existence qu'elle n'avait eu de son vivant. Piège méprisant de la médiocrité adorée. Non que le cinéma de seconde voire de troisième zone n’ait pas le droit à la lumière. Le problème n’est pas là. Plutôt dans le faux respect partout affiché à l’encontre de ces films qui, au lieu de remporter la note maximale sur les sites comme inscrits malgré eux à un concours de bestiaux, devraient être écoutés tels des témoins de leur temps, témoins d’une tradition cinématographique dans laquelle ils tentèrent de s’inscrire. Le Lac des morts-vivants intéresse parce qu’il traduit la volonté d’une maison de production française – Eurociné – de s’accaparer un genre de langue anglaise malgré son petit budget, rappelant qu’un film est avant tout un bricolage assemblé avec quatre bouts de ficelle. On reprend la thématique du zombi nazi revenu d’entre les morts pour l’implanter dans un contexte rural et franchouillard ; ce déplacement permet au film de poser la question d’autrui dans une communauté fermée. On peut aussi y lire la métaphore d’une résurgence collaborationniste où les hommes doivent réparer leur lance-flamme, sous prétexte qu’il a déjà servi quelques années auparavant pour brûler l’étranger. La relation dramatique entre un père zombi et sa fille intrigue, évoque en sous-texte les relations occupés-occupants et la descendance qui en découla. Le Lac des morts-vivants n’est donc pas à considérer à partir de ses qualités filmiques – qui seraient nulles, à l’exception de sa bande originale – mais comme un document de cinéma à part entière. Intelligemment mauvais.