Je voulais me faire une relecture du livre d’Eli, avec l’intention cette fois de ne pas louper ce qui me paraissait être un film que j’avais personnellement surnoté, et puis non ; désolé mais ça passe toujours bien la deuxième foi.

Peut être que pour ceux qui ne l’ont pas aimé, dont vous chers éclaireurs, c’était la mauvaise fois.

M’enfin les gars, vous avez raison. Je ne vois pas comment contredire la liste de défauts souvent avancée : bordel que c’est moche, purée que c’est tiré par les cheveux, bon sang que c’est pas fin comme illustration des actes de foi.

C’est bourré de clichés post-apo avec cannibalisme, viol, look post steam-punk crasseux avec ongles noirs, désert mad, max de violence existentielle caricaturale, et j’en passe.

Dans cette catégorie visuelle, on a rien dû faire d’aussi moche et baveux dans la décennie à part Pitch Black, et comparer son esthétique avec celle de La Route est un poil insultant pour le travail de Hillcoat.

Gary cabotine, comme souvent, et rien de profond ou de vraiment crédible ne se détache des personnages ; en plus faut gober le fait que Denzel se la pète Wesley Snipes et nous rejoue Blade fringué aux frippes. Bon.

Ok.

M’enfin les gars, mon 6 là il reste où il est.

D’abord, c’est un film sur la foi sans lourdeur évangéliste (contrairement à un autre vu récemment avec Denzel qui vole). A aucun moment on vous demande d’y croire ni de louer le Seigneur. Ici ce sont les versets qu’on loue pour leur beauté et leur puissance poétique. Ce qui est montré c’est la puissance d’une croyance et le pouvoir —presque ou totalement magique, en l’occurrence — d’une parole portée. Qu’elle soit inscrite et résonne dans l’esprit, lue et apprise, couchée sur le papier ; plus que des mots, ce sont de véritables formules magiques auxquelles fait référence le film. C’est presque cabalistique cette approche des écritures : faire de Denzel un genre de Golem invincible par la parole gravée sur son esprit, pouvoir contrôler les masses, prédire la vie ou promettre la mort, faire renaître la poussière du monde de ses cendres. Je rejoins aussi totalement la comparaison de @Aqualudo avec Fahrenheit concernant les livres et en général l’héritage que représente la grandeur de notre culture en ce qu’elle résume de meilleur dans l’humanité.

Et j’aime beaucoup cette idée de destinée à accomplir par un voyage ; qui, plus qu’un voyage initiatique, est celui d’un initié ayant un acte à achever pour donner un sens à sa connaissance du monde. Quelque chose à transformer, à transmettre.

Ensuite, pour la partie la plus subjective, il y a de ma fenêtre dans Book of Eli une certaine grâce qui transparait, même au travers de nombreux défauts formels. En premier lieu, j’aime ce thème principal signé Atticus Ross (cosignataire de la B.O de Social Network avec Reznor), sans doute l’un des meilleurs scores pour un film de genre ces dernières années. En totale contradiction avec la violence dépeinte, flottant par dessus la terre brulée, un thème mystique et aérien, aussi beau, posé, languissant et fugace qu’un instant de plénitude solitaire. Ensuite, les frères Hughes parviennent —même furtivement— à poser quelques cadres qui interpellent par leur picturalité, aérés, presque éthérés ; parce que visuellement ça fonctionne quelques fois aussi.

D’ailleurs côté action, le peu auquel on a droit s’avère efficace : des découpages en bonne et due forme jusque cet assaut en faux plan séquence de la maison des vieux cannibales vraiment bien amenée.

Enfin, Denzel nous épargne pour une fois ses mimiques et abandonne ses tics de jeu pour se rendre supportable en se contentant d’être simplement là, derrière son personnage.

Quant au fameux twist, souvent critiqué, il se révèle très cohérent en regard du contexte et plutôt malin côté mise en place au bénéfice d’un second visionnage. Je ne vois franchement pas en quoi il serait plus stupide ou grossier que celui d’un Fight Club ou encore d’un Sixième Sens.

Book of Eli ce n’est pourtant pas un plaisir coupable. Je l’accuse même, en plus de choix artistiques parfois limites, de pas mal de conneries : une stylisation sans fois ni loi, une caractérisation de mauvaise foi, une lourdeur finale frôlant la crise de foie.

Non mais franchement, faire de Mila Kunis un clone badass d’Angelina Jolie s’en allant à la conquête de l’ouest en fute moulant et Ray-Ban, ça vous fout les foies.

Voilà qui gâche un peu un film certes maladroit mais sous estimé, plus sensible qu’on ne veut bien l’admettre. Aveuglés par des défauts qui sautent aux yeux, on finit par ne croire que ce que l’on voit.
real_folk_blues

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