Le placebo de la Jungle

Quelle tristesse...
Plutôt que de tenter une réadaptation du roman de Kipling, on a droit à une repompe sans âme du dessin animé de Disney.
La sensualité moite de la jungle, le mystère ambiant, le danger qui régnait dans l'exemplaire long métrage animé de Disney ne se retrouvent ici qu'à l'état de trace.
Et quand on passe d'une adaptation adoptant la structure d'un conte à une version pseudo live, le coté agaçant du gamin devient tout bonnement insupportable.

Sher Khan est très mal iconisé, juste un gros tigre musclé, là où dans le dessin animé, sa menace pesait durant la moitié du métrage avant que celui-ci n'apparaisse.
Mais vous allez me dire, pourquoi s'évertuer à comparer les deux, pourquoi ne pas les aborder comme deux oeuvres séparées ?
Parce que Favreau a repris le dessin animé plan par plan pour ainsi dire, plutôt que de réadapter le livre. Et du coup, la comparaison s'impose. Et elle n'est pas en faveur du film.

Même les effets spéciaux peinent à convaincre (quoi qu'en pense le jury de Cannes, qui devrait pleurer de honte pour avoir accordé le prix des effets spéciaux au Livre de la Jungle!). Les très rares moments de contact entre bête et humain (limités de façon ridiculement ostensible) sont des échecs systématiques, et à part quelques effets de fourrure de temps à autre, on a déjà vu aussi bien ailleurs, régulièrement.
A trop danser sur le fil du rasoir, le film ne trouve pas son ton, entre un pseudo-photoréalisme mal léché imposant une colorimétrie passée et le surréalisme typique des dessins animés. Il faudra attendre le générique final pour qu'un court moment, la magie prenne, fermeture du livre sur une toile de satin, réouverture forcée de celui-ci, proposant des scénettes agréables et amusantes à la manière d'un livre relief, pour culminer avec la magnifique version de Trust in Me, chanté par la talentueuse et sensuelle Scarlett Johannson, sur fond d'entrelacements couleur émeraude psychédéliques.

A part quelques pics de qualité, quelques rares scènes réussissant leur coup en proposant une alternative viable aux scènes du dessin animé, et un générique final de qualité, tout cloche, tout sonne faux (la scène du roi des singes donne l'impression que les doubleurs se sont trompé de texte tant elle sonne faux, l'ambiguité schizophrène du roi Louie ne ressortant que dans l'interprétation vocale, et pas un seul instant visuellement, que ce soit dans le regard ou le comportement du singe).