Ce nouveau Livre de la Jungle est une occasion, pour certains, de soulever de nombreuses interrogations ou encore de faire connaître leur scepticisme.


Scepticisme quant à la pertinence ou même l'utilité d'une adaptation live supplémentaire alors que Disney a déjà produit un film d'animation qui se suffisait à lui-même. Certains l'envisageront donc comme une redite dispensable, voire un bégaiement compulsif moderne. Les plus intégristes le verront comme une profanation, au choix, du bouquin de Kipling, du grand classique animé, ou pire, d'une enfance parfois un peu enjolivée. Ou des trois à la fois pour les plus enragés. D'autres verront enfin dans cette volonté d'auto plagiat ou de pillage l'évidente manifestation d'un cruel manque imaginatif ou de la peur de la plus petite prise de risques, associées à la recherche du fric facile. Soit.


Je conçois qu'une telle politique puisse laisser perplexe. Quant à condamner avant même d'avoir vu la première image du produit fini...


Tout cela pour dire que Le Livre de la Jungle, il faut seulement l'envisager pour ce qu'il est : un chatoyant divertissement, un film d'aventures très agréable qui en met plein les yeux, un dépaysement de tous les instants. Une histoire que l'on connait sur le bout des doigts racontée par un nouveau griot.


S'adonner au jeu des sept erreurs avec l'oeuvre originale (laquelle d'ailleurs ?) serait vain, tout comme le confronter directement avec son (ses) prédécesseur(s). Il est évident que le film de Jon Favreau passe par toutes les figures obligées et met en scène tous les personnages bien connus. Mais là où le crayon faisait évoluer l'imaginaire et l'art, la caméra et les effets spéciaux semblent tendre vers le réalisme le plus poussé. D'un point de vue formel, le pari est relevé haut la main. Les animaux n'ont jamais paru si réalistes, si animés, si vivants. Bon, il est vrai que s'adjoindre les services de Weta aide un peu. Mais on oublie bien vite, tout au long du film, que la faune n'est pas faite de chair et de sang, mais que des hommes lui ont donné vie. Les décors luxuriants de la jungle ne sont pas en reste : magnifiques, variés, envahis par la végétation ou par la pierre, le spectateur trouve délice à s'y perdre et à y évoluer avec Mowgli. Seule ombre au tableau, un doublage en français qui n'est pas souvent heureux, entre un Lambert Wilson qui sonne bizarrement dans les oreilles et un Eddy Mitchell totalement hors sujet.


Si Le Livre de la Jungle demeure assez familial dans ses ambitions face au public, Jon Favreau l'a paré, cependant, d'une atmosphère par instant plus sombre à la faveur, surtout, de l'introduction de ses différents méchants. Shere Khan apparaît ainsi plus manipulateur et sanguinaire. Quant à Kaa, la seule découverte de son ancienne peau par le Petit d'Homme pourra susciter le frisson. Mais c'est King Louie qui retiendra à coup sûr l'attention, caché dans l'ombre des ruines de son temple tel Kurtz, démesuré, sauvage et impressionnant, d'autant plus qu'il anime à lui seul la plus belle scène d'action du film.


La modification du dernier acte du film pourra en choquer certains, ainsi que sa relative ressemblance avec Le Roi Lion. Tant pis. Car Jon Favreau étoffe par ailleurs son scénario, introduit quelques idées laissées de côté par Disney (Rocky le rhino, par exemple, même si cela est anecdotique), la fait grandir dans de micro aventures ou événements qui, mis bout à bout, donnent vie à un véritable univers, un environnement palpable dans lequel se perdre est un délice.


Oui, Jon Favreau raconte quelque chose qui a déjà été fait, qui a déjà été dit. Mais il se fond dans le rôle du conteur. Celui qui perpétue devant son auditoire captivé une jolie histoire qu'il a entendu lui-même et qui la raconte à sa façon, avec sa propre manière de voir les choses et son propre pouvoir de fascination. Il raconte son Livre de la Jungle de manière exubérante et palpitante, respectant le matériau tout en l'enrichissant, en le modifiant un peu, en le tordant, en lui apportant de la couleur.
Tant et si bien qu'à la fin du Livre de la Jungle, et à l'ombre de la fleur rouge qui réchauffe, les enfants, enthousiasmés, ne pourront que crier à l'unisson : Jon, une autre histoire, s'il te plaît !


Behind_the_Mask, fasciné par les histoires du Père Castor.

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