Il m'arrive parfois de retenir, selon une mécanique m'échappant totalement, des faits ou des phrases anecdotiques dont je regrette qu'elles puissent prendre une part conséquente de ma mémoire au détriment d'éléments bien davantage nécessaires, ce qui complique parfois légèrement mon quotidien. Ainsi, permettez-moi pour une fois d'offrir une quelconque utilité à l'un de ces éléments.


Lors d'un entretien avec une journaliste, le précédent Secrétaire Général du Parti Socialiste avait été confronté à la question des incohérences au sein du gouvernement qu'il soutenait et avait répondu à cela quelque chose du genre : « L'expression du gouvernement est plurielle, ce n'est certainement pas de la cacophonie, elle est tout simplement polyphonique et il n'y a pas de mal à cela. » Je laisse à chacun le droit de juger de la crédibilité de cette phrase.


De fait, en partant de cette citation très approximative qui ferait certainement fureur au bac de philosophie, on pourrait tout autant rejeter le terme de cacophonie couramment utilisé à propos du Loup de Wall Street, que ce soit au sein même de cet immense brouhaha de presque trois heures ou des interprétations contradictoires autour de la volonté de son réalisateur.


D'ailleurs, en tant que film très scorsesien, il est assez étonnant que j'ai pu autant l'apprécier car, à l'habitude, sa narration qu'il utilise notamment dans Les Affranchis ne me convient guère. Si je devais donc trouver explications à cet engouement je dirais qu'il viendrait peut-être d'une utilisation du quatrième mur plutôt qu'un recours (trop) fréquent à la voix-off, d'une exposition moins longue qu'à l'habitude pour une mise en avant moins tardive des enjeux finaux et, enfin, du développement d'un univers qui m'est moins étranger que celui du banditisme.


Mon avis étant dès lors posé, je vais pouvoir me pencher sur la raison de ma critique et donc sur la question que je souhaite ici traiter, à savoir celle du jugement moral du spectateur, car dans les reproches faits à ce film, l'un des plus fréquents consiste à dénoncer le regard bienveillant que porterait le réalisateur sur son personnage principal. Ainsi, Scorsese ferait un vibrant éloge du mode de vie décadent du tristement réel Jordan Belfort. Avec cette idée, je n'ai jamais été d'accord et je m'en vais ici expliquer mon point de vue.


Que je le dise directement, je n'ai aucune idée de ce qu'a pu dire Scorsese sur son film ou sur son personnage principal et, fondamentalement, je m'en fiche. Aborder un sujet tel que la finance et l'univers du trading de nos jours revient avant tout à s'adresser à l'appréciation morale de chacun. D'aucuns rêveront de ce genre de vie et d'autres se désoleront des dégâts de ce secteur parasitaire et impitoyable. Par conséquent, lorsqu'on nous montre cet univers, même si l'auteur de l’œuvre faisait tout pour nous imposer sa vision, il n'y parviendrait pas car ce domaine touche ce qu'il y a de plus profond en nous : notre système moral. Une telle situation ne ferait alors que nous braquer.


Mais justement, je rajouterai que je n'ai pas eu pour le moins du monde l'impression que le réalisateur cherchait à imposer son avis. Selon moi, il ne fait que montrer ce qu'était ce monde (qui n'a pas vraiment changé pour le mieux d'ailleurs...) en adaptant la biographie de l'un de ses éminents représentants. Si personnellement j'estime que cet homme est un sombre connard, rien dans le film tend à me démontrer qu'il soit un homme bon mais, au contraire, celui-ci me conforte bien davantage dans mon a priori.


J'aimerais d'ailleurs bien savoir où pourrait-on trouver un hommage ? Par contre, je peux citer pléthores d'éléments qui tendent à la dénonciation : lorsque le personnage joué par McConaughey tient au restaurant son discours sur le fait qu'il ne créé rien et que son but est de prendre l'argent dans les poches des autres pour le mettre dans les siennes tel un voleur (que, de toute façon, il est), la scène où Belfort montre à ses associés comment enc**** leurs clients au téléphone, ou encore le moment où DiCaprio explique une opération pourtant simple mais finissant par affirmer que le spectateur n'y comprend rien, etc. etc.


Si je ne l'ai jamais entendu peut-être dit-on également que Scorsese défend la mafia ? Vous aurez compris que cette idée n'a pas beaucoup de sens pour moi...

Créée

le 22 oct. 2016

Critique lue 379 fois

18 j'aime

12 commentaires

MonsieurBain

Écrit par

Critique lue 379 fois

18
12

D'autres avis sur Le Loup de Wall Street

Le Loup de Wall Street
Smay
5

Festival mégalobscène

J'allais mettre une note de folie juste après la séance car j'en suis ressorti emballé. Ceci dit j'ai préféré attendre et voir l'évolution de la chose dans mon esprit, à juste titre parce qu'avec du...

Par

le 9 janv. 2014

170 j'aime

Le Loup de Wall Street
hillson
5

Que tu as une grande queue - c’est pour mieux te baiser mon enfant

Un type a dit que 2013 avait apporté des blockbusters de grande qualité, et il a cité Django Unchained et Le loup de Wall Street. Que Le loup de Wall Street soit un blockbuster ne fait aucun doute,...

le 12 janv. 2014

133 j'aime

24

Le Loup de Wall Street
Strangelove
9

"Fuck USA !"

Certains parlaient d'un Martin Scorsese sur le déclin. D'autres disaient qu'il allait se brûler les ailes avec ce sujet si épineux qu'est le monde de la finance. Peut-être qu'il le savait. C'est pour...

le 27 déc. 2013

121 j'aime

21

Du même critique

Julieta
MonsieurBain
9

D'un amour impossible

Cette soixante-neuvième édition du fameux festival de Cannes nous a largement, et peut-être même immodérément, vendu Julieta comme étant ce qu'on pourrait considérer comme non moins que le grand...

le 18 mai 2016

50 j'aime

14

Pulp Fiction
MonsieurBain
9

Des ambulations sanglantes

N'est-ce-pas un grave exercice dans l'univers de la critique que de s'atteler à une telle œuvre que Pulp Fiction ? Oui, certainement... Pour autant, il n'en est pas moins aisé puisque dès les...

le 3 oct. 2015

38 j'aime

16

Eyes Wide Shut
MonsieurBain
9

Fuck the Illuminati !

En regardant pour la première fois Eyes Wide Shut, j'avais ressenti cette profonde sensation de trouble que beaucoup d'autres semblent avoir devant l’œuvre de Kubrick en général. À vrai dire, si...

le 17 août 2016

37 j'aime

17