La Famille Addams française

Quand Patrice Leconte passe à l'animation, on peut s'attendre soit au pire soit au meilleur. C'est donc vers le meilleur que cette adaptation du célèbre roman éponyme de Jean Teulé va aller, le long-métrage étant une véritable bouffée d'air frais à l'heure où le cinéma d'animation américain a la main mise et qui plus est en 3D... Nous faisons donc connaissance avec la famille Tuvache et leur boutique spécialisée dans le suicide. Offrant à ses clients une incroyable gamme de cordes, poisons, revolvers et autres moyens mortels avec un sens aigu de la vente, elle mène une existence parfaite dans une atmosphère naturellement macabre.

Chez les Tuvache, on ne sourit pas, on ne rit pas, on fait comme tout le monde : on déprime. Hors, l'arrivée dans la famille du petit dernier, Alan, qui déborde de gentillesse et arbore un sourire omniprésent, va tout chambouler pour la famille de la mort. Sans dévoiler tous les ressorts de cette intrigue rocambolesque, Le Magasin des Suicides est une réussite fracassante où l'on rit à pleins poumons devant cet univers désenchanté, terriblement noir, à la croisée de la Famille Addams et d'un vieux Tim Burton. Bien plus adulte qu'on ne le croirait, le film n'est clairement pas destiné aux petits enfants, ne serait-ce que pour son sujet macabre mais également pour ses élans de vulgarité et certains passages plutôt osés comme la danse très sensuelle de Marilyn, la sœur du petit Alan.

De nombreuses situations délicieusement acérées et une atmosphère constamment décalée ajoutent donc un certain piquant à l'animation française, les graphismes inédits et la fluidité d'animation impeccable apportant un plus considérable au long-métrage. On regrettera certes un surplus de chansons pas toujours bien espacées et dont quelques unes auraient pu être évitées mais elles restent dans l'ensemble excellentes (le style de Danny Elfman plane au-dessus de la musique d'Étienne Perruchon). Ainsi, film-surprise de la fin d'année 2012, Le Magasin des Suicides est une brillante adaptation du roman de Teulé et une renaissance certaine pour Patrice Leconte.