Bon morbide pour mauvaise bide

Adaptation du roman éponyme de Jean Teulé, Le Magasin des suicides est de ces petits films curieux mais clairement pas indispensables, encore qu’il s’agissait là d’un long-métrage d’animation français bénéficiant de la patte expérimentée de Patrice Leconte… alors pourquoi pas ?

D’autant que le concept morbide l’animant promettait l’instauration d’un humour noir prédominant, le film nous dressant le sinistre tableau d’une ville comme les autres… à ceci près que des suicides à la pelle composent son quotidien.

C’est dans ce contexte que la famille Tuvache, propriétaire du fameux Magasin des suicides, prospère à n’en plus finir, tout en arborant une mentalité en totale adéquation avec l’esprit de la ville maudite ; c’est assez loufoque pour le coup, mais la sauce prend bien dans un premier temps, ceci au gré d’un humour noir logique mais efficace, tandis que la petite famille s’avère franchement intéressante.

Et puis que dire de l’animation, pour le coup en parfaite symbiose avec l’atmosphère d’ensemble, d’autant qu’elle est très réussie et originale ; personnellement je n’ai d’ailleurs jamais rien vu de tel, ça n’est pas forcément très impressionnant mais ce graphisme atypique concourt à l’instauration d’une identité propre au Magasin des suicides, ce qui est franchement louable.

En ce qui concerne la part sonore, la simple vue de l’étiquette comédie musicale fait tiquer d’entrée de jeu, mais on croise tout de même les doigts… malheureusement, si l’introduction du long-métrage se veut fort aguichante, tandis que l’on digère plutôt bien ses premières musiques, la suite verse bien trop dans le fourre-tout dispensable et peu digeste.

Un premier point décevant, ceci nous amenant d’ailleurs au cœur du problème assombrissant les prétentions d’abord farfelues du Magasin des suicides, celui-ci voyant sa trame virer rapidement dans un conventionnalisme empreint de facilités et autres ressorts scénaristiques convenus à souhait ; en ce sens la façon dont le commerce de mort des Tuvache, découlant d’une longue tradition familiale et d’un regard sur le monde désespérant, se transforme abruptement en crêperie, est honnêtement tiré par les cheveux, et d’une simplicité effarante (sans compter le bon sentiment dégoulinant).

C’est un peu comme si, à l’instar des clients songeant à se flinguer prestement, le film se tirait une balle dans le pied de la sorte, la transition n’ayant rien d’un processus surprenant, amusant ou même un tant soi peu réfléchi ; un dénouement plutôt grossier dans sa finalité en somme, Le Magasin des Suicides s’avérant finalement décevant dans le sillage d’un Alan trop peu intrigant, notamment en comparaison de sa petite famille.

Bref, tout n’est néanmoins pas à jeter, l’animation réussie et les personnages valant largement le détour ; on regrettera surtout que l’intrigue se vautre autant dans la simplicité, celle-ci ayant réalisé un départ des plus honorables, de quoi me faire dire que ce long-métrage animé de Patrice Leconte mérite sa chance… à voir au moins une fois.