Né dans une plantation de coton en Virginie, le jeune Cecil voit son père mourir sous ses yeux alors qu'il tente de s'interposer auprès du responsable de la plantation qui abuse de sa femme. L'orphelin, remarqué par la propriétaire, va bénéficier jusqu'à son adolescence d'une formation, celle de l'apprentissage du service domestique. Mais le jeune homme ne désire qu'une chose, fuir cette plantation où l'accablent trop de souvenirs douloureux, gagner une grande ville et changer d'existence. Embauché pour ses qualités de service dans un palace de Washington, il sera bientôt engagé comme majordome à la Maison Blanche où il servira avec une parfaite aisance et un grand souci du devoir accompli, tandis que sa femme, Gloria, élève leurs deux fils. Grâce au poste de Cecil, la famille jouit d'une existence confortable. Pourtant, sa profession suscite des tensions dans son couple : Gloria s'éloigne de lui et les disputes avec l'un de ses fils, particulièrement engagé pour la cause des noirs américains, sont incessantes.

A travers le regard de Cecil Gaines, librement inspiré de la vie de Eugene Allen, le film retrace l'évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l'intérieur, mais aussi en père de famille et en citoyen américain de couleur…

Lee Daniels a réalise avec Le Majordome un très beau film, dessinant à larges traits ce que fut le combat des noirs durant une grande partie du XXe siècle, afin d' obtenir les mêmes droits civiques que les blancs dans un pays qu'ils ne cessèrent de servir au prix de leur sang et de leur sueur. Soucieux d'user des symboles les plus éloquents, le réalisateur s'est octroyé, il est vrai, quelques libertés au sujet de la vie réelle de son héros, un certain Eugene Allen qui fut majordome à la Maison Blanche sous sept présidents de Eisenhower à Reagan. Si l'on en croit Will Haygood, le premier à avoir raconté l'histoire d'Eugene Allen dans un article du "Washington Post" en 2008, celui-ci est bien né dans une plantation de coton où ses parents travaillaient mais il n'a jamais fait état des monstruosités relatées à l'écran : la mère violée et le père assassiné sous les yeux de son fils. De même que la femme de Allen, avec laquelle ce dernier vécut 65 ans, ne fut jamais alcoolique mais est bien décédée en 2008 et ne put assister à l'élection de Barak Obama. Enfin, il n'eut qu'un seul fils et celui-ci n'appartint pas aux "Black Panthers" mais servit comme militaire lors de la guerre du Vietnam où, heureusement, il n'a pas trouvé la mort. Néanmoins, sans ces symboles forts, le film aurait perdu de son intérêt historique et se serait limité au destin d'un homme au lieu d'exposer celui d'un peuple tout entier avec ses combats les plus rudes et ses heures les plus tragiques. Ce que Lee Daniels réussit en surfant habilement sur la gamme complète de nos émotions.

L'intérêt est d'avoir en permanence alterné les temps forts de l'existence du serviteur des présidents et la réalité sur le terrain à laquelle les noirs étaient confrontés quotidiennement : attaques, humiliations, servitudes, on se demande même comment au XXe siècle, dans une nation aussi moderne que l'Amérique et toujours bien disposée à donner des leçons de morale à la planète entière, une telle ségrégation ait pu perdurer... Admirablement interprété par Forest Whitaker, le rôle de Cecil Gaines vous émeut aux larmes, tant l'acteur y met de retenue, de pudeur, de résignation, de sincérité, de respect. Un des moments les plus touchants est celui où Cecil revient chez lui avec la cravate de Kennedy que Jackie lui offre après l'attentat qui coûta la vie au président le plus populaire des Etats-Unis, cravate qu'il noue à son cou pour se rendre à l'invitation du Président Obama. Le film s'achève alors qu'il entre dans le bureau ovale, occupé désormais par un président de couleur et où s'est écrite, sous ses yeux, une grande page d'histoire.
abarguillet
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 12 oct. 2013

Critique lue 434 fois

3 j'aime

abarguillet

Écrit par

Critique lue 434 fois

3

D'autres avis sur Le Majordome

Le Majordome
drélium
6

34 years a slave

Armé de son charme ricain breveté, The Butler est fait pour verser sa petite larme à emporter, que ça dégouline sur ta joue sans crier gare alors que l'on ne voit que des gros plans de visages...

le 29 avr. 2014

28 j'aime

Le Majordome
Moorhuhn
3

La Soupe à oscars

Recette du films à oscars - Facile à préparer - Budget abordable Commencez d'abord par parler d'une histoire vraie sans prendre de grands risques. Quoi de mieux que de parler de la...

le 7 oct. 2013

28 j'aime

4

Le Majordome
hugovanmalle
8

Critique de Le Majordome par hugovanmalle

Je n'avais ni vu l'affiche, ni ne savais de quoi parlait le film. On m'y a entraîné et c'est une bonne chose, j'ai regardé le film comme il se déroulait sous mes yeux et j'en suis sorti en me disant...

le 12 sept. 2013

28 j'aime

Du même critique

Le Beau Serge
abarguillet
7

Critique de Le Beau Serge par abarguillet

Grâce à un petit héritage personnel, Claude Chabrol, alors jeune critique aux Cahiers du cinéma, produit lui-même son premier film, réalisé avec le concours efficace d'une bande de copains réunie...

le 6 juil. 2013

15 j'aime

1

Plein soleil
abarguillet
9

Critique de Plein soleil par abarguillet

Tom Ripley ( Alain Delon ) a été chargé par un riche industriel américain, Greanleaf, d'aller chercher son fils Philippe ( Maurice Ronet ) en Italie, où il mène une vie oisive en compagnie de Marge (...

le 25 mai 2013

13 j'aime

1

Mort à Venise
abarguillet
10

Critique de Mort à Venise par abarguillet

Mort à Venise, film lumineux et complexe est, sans nul doute, l'un des plus grands chefs d'oeuvre du 7e Art. Inspiré d'un roman de l'écrivain Thomas Mann, lui-même influencé par la philosophie...

le 25 juin 2013

13 j'aime

1