Le dernier opus en date de James Mangold laisse un goût étrange sur la langue. D'un côté, le film est plaisant à regarder, parce que la réalisation est formellement très réussie et la narration bien fluide. Mais là où le réalisateur de Logan et Copland pèche, est vraiment sur le ton même du film : beaucoup trop centré sur les américains, le titre est faussement enchanteur : Ferrari restera une sorte de rival anecdotique, avec ses mécanos un peu cons, et le vieux Enzo passera pour une sorte de parrain mafieux, sans qu'on s'intéresse un tant soit peu à son écurie. Pour une fois le titre sonne plus juste en français.


Là où le métrage pouvait (devait) être passionnant, il se vautre dans la propagande américaine : au lieu d'un truc bien geek auquel on espérait s'attendre, on nous ressort les fameux clichés de guerre d'égo que les amerloques semblent particulièrement affectionner : money, famille, patrie (et guns accessoirement, mais pas ici). Finalement, l'une des facettes les plus intéressantes pour un tel film n'aura pas lieu : à aucun moment on ne verra la conception de la GT40, ni même d'aucune Ferrari. Sa construction sera totalement éclipsée, le réalisateur s'attardant beaucoup plus sur les personnages. Sauf que James Mangold manque cruellement de subtilité à ce niveau (comme dans ses autres films), et au lieu de nous les rendre humains, leur caractérisation devient vite cartoonesque et démesurément manichéenne. On est loin de l'excellent travail accompli par Ron Howard avec Rush, qui nous avait rendu Niki Lauda et James Hunt plus vrais que nature.


Mais laissons la F1 de côté et revenons à notre catégorie : pour ce qui est des courses, c'est vraiment pas mal foutu visuellement, les effets spéciaux sont bien intégrés et la sensation de vitesse est bien rendue. En plus la musique ne couvre pas le bruit des moteurs, ce qui est un bon point pour un tel sujet. Même si l'on est loin du réalisme très frontal, presque documentaire du film Le Mans avec Steve McQueen, cette vision plus moderne n'est pas déplaisante pour autant. Par contre, pour ce qui est de l'endurance, la notion du temps est moyennement retranscrite : l'impression d'une course de longue haleine s'estompe vite.


Pour terminer, un petit point sur le casting : j'en ai franchement marre de voir la face de fesses de Matt Damon dans tous les films. Même si il fait son boulot plus ou moins correctement, il a toujours ce côté DiCaprio au rabais et cet aplomb de petit connard capitaine de l'équipe de foot du lycée. On pouvait s'attendre à beaucoup mieux pour incarner le très suractif Carroll Shelby. Sinon, pour Christian Bale en Ken Miles, la pilule passe beaucoup mieux, le talent oblige, même s'il a tendance à un peu surjouer ici. Apparemment Mangold n'est pas toujours à l'aise avec la direction d'acteurs. On pourra aussi citer le comédien qui joue Henry Ford Junior, un personnage plutôt intéressant que le réalisateur n'épargne ni n'édulcore.


Conclusion, ce film déçoit par son manque de précision, ses images d'Épinal, et le moteur tourne un peu à vide pour les amateurs de mécanique, même pour les curieux. Mais le tout n'en reste pas moins un divertissement homogène, qui se regarde sans encombre, et encore une fois la belle réalisation le sauve de ses travers.

Paùl_El_Cellat
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le 23 mars 2020

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