Après Logan, qui avait entériné sa belle odyssée dans l’univers de Wolverine, et qui par la même occasion avait écrasé la concurrence super héroïque du moment, James Mangold revient cette fois-ci avec Le Mans 66, narrant la folle histoire de Carroll Shelby et Ken Miles, qui sous l’écusson Ford, vont tout faire pour battre l’hégémonie de l’écurie Ferrari pendant l’inclassable course du Mans.


Au-delà d’un combat outre Atlantique entre deux constructeurs automobiles diamétralement opposés aussi bien dans leur démarche que dans leur vision de la voiture en elle même, Le Mans 66 est avant tout l’histoire du petit contre le grand. L’artiste face au communicant. Le talentueux et besogneux face à l’opportuniste. Le puriste face au néophyte. Le passionné face à l’avidité de l’Homme. Derrière une histoire de gros sous, derrière cette brève et petite abnégation à vouloir poser « les couilles » sur la table pour savoir qui aura la plus grosse, au delà d’un décorum masculiniste un peu poussiéreux, paternaliste et passéiste, le long métrage de James Mangold sort du guêpier du schéma programmatique de son récit par sa faculté à extraire ses personnages de leurs zones de confort et leur donner une aura endiablée.


Tout comme Logan ou même Walk the Line, Le Mans 66 a ce petit vent en poupe qui sait déterrer de son antre une véritable passion pour ce qu’il raconte, passion contagieuse – même pour les profanes du milieu automobile – qui elle-même est retranscrite à la perfection par la folie presque stakhanoviste de ce duo. Deux personnages, un peu fous, qui sont nés pour la conduite. Deux passionnés qui parlent le langage du moteur comme un musicien sait sentir la vibration de la mélodie. C’est quand James Mangold resserre son scénario autour de ses deux personnages que l’émotion, le romanesque et l’intérêt pour la mécanique gagnent en ressource, à la fois par l’interprétation de Matt Damon et de Christian Bale, complémentaires, charismatiques au possible et toujours dans le bon tempo, mais aussi par sa faculté à nous faire saisir les crissements des pneus et l’odeur du bitume dans des courses sous haute tension.


Dans ces moments-là, dans ce lâcher-prise de mise en scène, dans cette lubie pour la vitesse, cette déclaration d’amour pour les équipes techniques et les petites mains d’une écurie, le plaisir du film à vouloir s’envoler est saisissant, un peu comme Rush de Ron Howard pouvait ressentir ce sentiment. Sentiment qui devient le carburant du film en lui donnant une énergie indéniable et un spectacle rutilant de plus de 2h30 qu’on ne voit pas passer. Pour ce faire, et se détachant de toutes facéties visuelles, James Mangold semble habité par son style classique, sans fioritures, voire un peu trop d’ailleurs, qui fait parfois plafonner le long métrage dans un entre-deux : celui de faire vibrer la corde sensible de l’artisan, de celui qui scrute les moindres détails de son art, à l’image de ses personnages, et de l’autre, celui de s’accoutumer à un récit mécanique et un brin linéaire, celui des mastodontes. Et c’est intéressant de voir Le Mans 66 épaissir son propos autour de l’artiste qui vit grâce à sa dévotion furibarde contre la vision de l’entrepreneur sclérosant et attiré par la réussite.


Alors que le cinéma vit quelques débats houleux entre les anciens maîtres du cinéma (Scorsese, Coppola) qui se battent et crient leur amour pour un cinéma aux antipodes du « parc d’attraction » que sont les films du MCU, James Mangold a ce mérite d’être le miroir de ses protagonistes. Il a beau s’acoquiner avec les plus grands et les firmes ronronnantes (Marvel), pour exprimer son talent, il n’en reste pas moins un passionné, qui ne s’écroule pas sous les sirènes d’un modernisme cynique, crâneur ou même tape à l’oeil. Sans nous offrir un OVNI comme Speed Racer des Wachowski, le cinéaste reste tout de même droit dans ses bottes avec son style élégant et léché, et est prêt à prendre les plus grands risques pour ses idées et faire battre notre coeur en chamade dans un final éclaboussant de sincérité.


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Velvetman
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le 25 nov. 2019

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