Je viens à l'instant de lire un texticule.
Son auteur a infligé 1/10 au film : "ne peut même pas prétendre au titre de (mauvais) téléfilm, car il est pire que ça."
Cet auteur n'en apprécie que l'affiche (Anna Shigula en petite tenue).
Sur moi, c'est l'effet inverse. Une affiche racoleuse n'augure pas grand-chose de bon.
Pourtant... L'entrée en matière (des épousailles sous la mitraille) est savoureuse et, globalement, le développement aussi.
Mais, les défauts, d'abord :
La personne qui a collé 1/10 au film de Werner Fassbinder n'a pas totalement tort (en ramenant la note globale à la baisse, j'entends, car pour ce qui est des arguments, c'est bien sûr le quasi néant)
1/ Ça sonne parfois faux, c'est pesamment théâtral, à des moments pourtant cruciaux :
-- le retour de Willy et son annonce de la mort d'Hermann
-- le retour d'Hermann et la baffe
-- la scène du baiser avec le patron
2/ On est même dans l'amateurisme, par moments :
-- les gosses aux pétards qui ont un mal fou à faire semblant de rire
-- le soldat américain bourré qui insulte Maria dans le train et la répartie de celle-ci, façon concours de gros mots
-- la mère de Maria l'accusant de ne pas (savoir) vivre
3/ Des gros plans inexplicables (Helfen Sie mir !), des exergues gros-sabots
-- le paquet de Camel de la mère
-- le toubib et la musique qui vous assaille (première visite de Maria)
-- la fiche des horaires de trains du contrôleur
-- l'épiderme des amants ; si vous voulez du grain de peau savamment filmé, faites un tour du côté de La Femme des sables (Hiroshi Teshigahara,1964)
3-bis/ Des 'focus parfois' pesants sur les yeux, avec contraste lumineux pour dramatiser, comme par exemple quand Bill demande à Maria si elle est enceinte...
Are you expecting ?
Ceci dit, on ne va pas flinguer un film qui est pensé, qui veut dire et montrer quelque chose ; et y parvient largement.
Ce portrait d'une femme décomplexée, impudente, vénale, provocante, dans l'Allemagne de l'immédiate après-guerre est remarquable.
Les multiples ellipses mettent en valeur l'ascension fulgurante et la réussite (relative) d'un personnage à l'ambition glaçante, (auto-)dévorante.
Le travail sur le son est impressionnant. La permanence des marteaux-piqueurs nous rappelle que la guerre n'est jamais finie. (se) Reconstruire s'opère en (se) détruisant.
Les dialogues sont souvent saisissants de force ou de drôlerie.
-- Où avez-vous appris l'anglais ?
-- Au lit
Fassbinder a l'ambition de parler intelligemment de son pays et de ses compatriotes. Il met fatalement le pied dans la sociologie, la psychologie, la philosophie :
"Quand on n'est pas heureux, on trouve toujours les autres indécents."
De temps à autre trop insistant, Fassbinder sait aussi distiller, suggérer, comme par exemple les visites de Maria à Hermann, emprisonné : tantôt habillée en poule de luxe, tantôt en bonne sœur (en fonction de ce que le metteur en scène veut nous dire)...
Anna Shigula est convaincante pratiquement de bout en bout.
Un navet, Le Mariage de Maria Braun ? Vraiment ?!
Comme disait ma grand-mère : "Vaut mieux entendre ça que d'être sourd..."