A tout seigneur tout déshonneur !

Même si cette adaptation d'une nouvelle de Poe qui ne faisait que quelques pages sent un peu le délayage, "Le Masque de la mort rouge" reste un bel échantillon de gothique des années 60. Le film repose en bonne partie sur les épaules de Vincent Price, qui joue le genre de personnage qu'on aime détester ! Sa classe, ainsi que la somptuosité des décors et des costumes, font ressortir, par contraste, l'ignominie du monde de Prospero, toujours estomacante presque soixante ans plus tard : une fillette manque être écrasée sous les roues d'une carriole, une mère est brûlée vive en sauvant son bébé de l'incendie allumé par les soldats de Prospero, la mort d'autrui ne suscite qu'indifférence ou, pire, amusement !

Le châtiment arrivera pourtant, juste après la vengeance du nain Trousse-Crapaud, qui se montrera bien ingénieux pour punir l'humiliation qu'a subie sa bien-aimée. L'orgueilleux Prospero connaîtra finalement deux échecs : n'avoir pu briser l'innocence de Francesca et découvrir la vraie terreur au cours d'un ballet morbide stupéfiant. Même si le final oublie les « gentils » au passage (comme s'ils ne l'intéressaient pas vraiment), il livre encore quelques scènes marquantes, lorsque la Mort rouge, jouant avec une enfant à laquelle elle ne fera aucun mal, retrouve ses frères du reste du monde, venus lui conter leurs derniers méfaits, avant que tous s'en aillent en procession.