Le Message
6.9
Le Message

Film de Moustapha Akkad (1976)

The Message (Moustapha Akkad, Lybie, 1976, 2h57)

Lorsque Moustapha Akkad se lança dans la production de ‘’Al-Risâlah’’, grande fresque épique sur la naissance de l’Islam, il eut une idée, qui peut sembler bien étrange, et dont un équivalent m’échappe. Pour que le film puisse être diffusé à l’international, il voulut en faire une version en langue anglaise. Or, ne voulant pas que les acteurs de langue arabe soient redoublés, car leur jeu est différent que celui des occidentaux, il prit la décision de tourner une version en arabe et une autre en anglais.


Filmés simultanément, ‘’The Message’’ et ‘’Al-Risâlah’’ sont en réalité un seul et même film. Sur le tournage les comédien.nes anglais passaient après les comédien.nes arabes, et rejouaient à leur tour la scène. Au générique était également présentes deux stars du grand Hollywood, Anthony Quinn et Irene Papas. Une démarche singulière donnant à ‘’The Message’’ une dimension particulière. Il ressemble ainsi plus à une grosse production hollywoodienne, bien qu’il s’agisse pourtant du même film que ‘’Al-Risâlah’’.


Ce qu’il perd au passage est en fait l’authenticité de la version arabe. Il dure également une demi-heure de moins, et quelques séquences sont moins abouties. Notamment celles qui s’adressent majoritairement à un public musulman. Puisque cette version a été faite pour un public occidental majoritairement chrétien. Se dégage de l’ensemble un aspect ‘’faux’’, comme une sorte de contrefaçon.


Pour ce qui est du contenu c’est relativement inchangé, puisque le scénario est le même. Sauf qu’au lieu de crier ‘’Allah Ouakbar’’ ils crient ‘’Allah is Great’’. Forcément c’est tout un pan du réalisme de la version arabe qui s’évanouit. La démarche est pourtant identique, quasiment au plan prêt, puisque c’est absolument la même production. Avec un casting différent, et c’est tout.


Il ne serait ni intéressant, ni productif de faire une chronique comparative entre les deux versions, puisqu’elles racontent strictement la même histoire. De la même manière, dans les mêmes décors, par le même réalisateur, qui pour l’occasion à juste fait appel à un scénariste irlandais H.A.L. Craig. Connu pour le ‘’Waterloo’’ de Sergey Bondarchuk en 1970. Il fût chargé de faire la transposition du script arabe vers le script anglais.


‘’Al-Risâlah’’ s’avère ainsi bien supérieur sur de nombreux points. Les comédien.nes étant pour la majorité d’obédience musulmane, leur jeu est forcément plus intérieur et passionné. Ils apparaissent plus impliqués dans leurs rôles, puisqu’ils ne font pas qu’incarner des personnages du Coran, ils sont là pour en transmettre le message, dans la continuité de la démarche du génial metteur en scène. Quand leurs homologues occidentaux tombent un peu, par moment, dans la caricature.


La différence est assez flagrante à plus d’un égard. Il est donc plutôt judicieux de voir la version arabe, que cette version anglaise. Bien qu’elle soit plus facile d’accès dans nos régions, puisque c’est celle qui fût diffusée dans nos cinémas, et sur le marché vidéo. D’ailleurs l’exploitation du film ne fût pas une mince affaire. Moustaphas Akkad ayant subi des pressions. En effet, le métrage devait au départ se nommer ‘’Mohammad – Messager of God’’, mais fût retitré au dernier moment, suite à des menaces.


Sa réputation devint également impopulaire suite au ‘’Hanafi Siege’’, une prise d’otage à Washington qui eut lieu en juillet 1977. 149 personnes y furent retenues par 13 terroristes se revendiquant d’un Islam radical. Il y eu deux morts parmi les prisonniers. L’une des revendications du groupe terroriste, parmi d’autres, était que soit détruites toutes les copies de ‘’The Message’’, considéré comme un ‘’sacrilège’’.


Ces événements démontrent que même malgré les intentions louables de Moustapha Akkad, et toutes les mesures prises pour faire valider son film par les hautes autorités du monde musulman, il fût quand même victime de l’obscurantisme et de l’aveuglement de quelques groupes radicaux. Dont les actions sont paradoxalement en opposition totale au message diffusé par le Prophète dans le film, et au-delà, en opposition avec le Coran même.


Aborder la religion au cinéma n’est pas une démarche aisée. D’autant plus que le principe même de la foi est d’en avoir une interprétation personnelle. Il y a en effet autant d’interprétations du Tanakh, de la Bible et du Coran, qu’il y a de lecteurs éclairés. Puisque la foi est avant tout ce que l’individu fait d’un savoir, religieux ou non. Dès lors, l’adaptation de textes sacrés perçue par certains comme intouchable, devient une démarche artistique des plus courageuse.


L’effort de Moustapha Akkad, disparu en 2005, est donc salutaire. Et cette volonté de vouloir faire une version jumelle en langue anglaise, pour promouvoir son œuvre à une plus grande échelle, pour séduire l’Occident, s’avère être d’une immense sagesse. Au final ‘’The Message’’ sera traduit en 12 langues, interdit dans de nombreux pays de Moyen-Orient (il l’est toujours au Koweït), bien que sorti à un autre siècle, un autre millénaire même, il s’avère plus que jamais d’utilité publique. D’autant plus à l’ombre de l’obscurantisme qui plane actuellement sur notre monde.


-Stork._

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le 5 mai 2020

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