avr 2012:

La réflexion qui revient systématiquement à l'évocation du cinéma de Tarkovskiy sur son caractère abscons, difficile est un peu pénible. Bien évidemment que ce n'est pas une approche facile, mais de là à en faire un sinistre chiant dont on s'échine à comprendre la moindre image, c'est totalement injuste. J'en connais deux ou trois qui mériteraient bien davantage ces horribles jugements.

Il est vrai que je n'en suis qu'à mon 2e long métrage de Tarkovskiy (après "L'enfance d'Ivan") et je suis bien plus incité à louer son graphisme, cette admirable capacité à composer ses cadres comme on peint, ce style très visuel où la photographie, ses couleurs, ses lumières dominent peut-être le mouvement pour formaliser une pensée, une émotion, en l'occurrence ici des souvenirs de sentiments très intimes et lointains.

La forme créée n'aboutit pas uniquement à l'élaboration d'un style, d'un bel objet mais elle parvient à rendre palpables des émotions difficilement traduisibles par l'image. Imaginez qu'il arrive à composer des séquences qui expriment la dévotion amoureuse de l'enfant pour sa môman ou bien l'extrême pureté en même temps que rudesse qui s'impriment physiquement dans une vie passée à la campagne.

Que ce soit par les longs plans qui filment de près ou de loin Margarita Terekhova, une bien belle actrice, au jeu à fleur de peau, sensible, au bord des larmes, comme si le personnage se souvenait en elle de sa lutte pour ne pas pleurer ; que ce soit dans ces plans fixes ou ces légers mouvements de caméras filmant le vent dans les hautes herbes, le personnage devant le miroir, cette forêt qui semble murmurer ses secrets, Andrey Tarkovskiy raconte son histoire, ses souvenirs avec un délicatesse très touchante. Ce qui n'est pas loin d'être épatant, c'est qu'il réussit cela avec une aisance et une efficacité remarquables.

Alors, bien sûr, quelques scènes échappent à ma compréhension totale, mais qu'importe! On n'est absolument pas obligé de mettre du sens sur chaque parcelle de film, ce qui compte, c'est bien plutôt notre capacité à aspirer la souffle de l'histoire, d'en accepter le goût, le parfum et se laisser aller à l'aimer.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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