Parler de « Zerkalo » n'est pas aisé, en parler en terme technique sans connaître intégralement l'œuvre de Tarkovski ou sans être étudiant serait suicidaire. C'est pour ça que je n'essayerai pas de l'analyser ni de trouver tous les symboles cachés, d'autres le font très bien (google est mon ami). Non, je préfère parler de ce que j'ai ressentit face à ce miroir, le cinéma de Tarkovski est avant tout une affaire de symbolisme, une affaire de sensations et de goûts. Généralement, ses films sont catégorisés comme expérimentales ou contemplatifs, pourtant qu'ils durent 1H30 ou 3H, on ne s'ennuie jamais. La preuve avec « Stalker » qui pour moi a été ma plus belle expérience cinématographique et sensorielle à l'heure actuelle.
Le miroir se place dans la lignée de Stalker, de 5 ans sont aîné, il annonce ce futur chef d'œuvre mais sans en atteindre l'homogénéité. Le miroir est beau, pendant 105 min, j'ai suivit les mouvements de la caméra avidement pendant qu'elle m'entraînait dans les limbes obscurs de cette histoire. Malgré ces mouvements de caméras réfléchis et complexes, je n'ai jamais vu une telle fluidité dans la manière de filmer, la sensation d'être à la place de la caméra est poignante. L'immersion est totale, la narration éclatée et reconstitué, nous laisse entrevoir les réminiscences de plusieurs vies. Le travail sur la mémoire collective et individuelle a eu lieu tant au niveau visuel qu'écrit. Il adopte pourtant une manière de filmer, à la fois contemplative et glauque, alternant des moments de pure plénitude et dérangeants sur fond sonore lancinant. Les scènes font plus penser à des tableaux persistants sortis tout droit d'un rêve.
Le travail de la lumière, le choix de compositeurs comme Bach ou Purcell, la mise en scène, tous ces petits détails réunis donne naissance à une œuvre magistrale. Même sans pouvoir maîtrisé le scénario, le spectateur pourra admirer le travail visuel du réalisateur. Le terme de spiritualité au cinéma ne se sera jamais aussi bien appliqué aux films de Tarkovski.
L'argument expliquant le refus de la note maximale est comme je le disais le fait que Tarkovski n'est pas homogène au niveau de l'ambiance qu'il installe. Dans « Stalker », il faisait le choix de la nature et d'une sérénité menaçante violente, laissant glissé les spectateurs en douceur de la crainte à la paix. Ici, il nous brusque plus et chamboule les rythmes, c'est juste une affaire de goût après tout.