"La vie ne m'apprend rien... Je voulais juste un peu parler, choisir un train"

Bon si t'es plutôt vingtenaire, cinéphile et plutôt éclectique comme moi dans tes choix filmiques comme musicaux, t'es un peu fan de ce bon vieux Romain Gavras, fils du grand réalisateur grec (encore un fils de, mais bon...). Il a fait des trucs pourris dans les années 90 avec Koutrajmé, des pubs et des clips cultes dans les années 2000 et 2010 (ah ces clips de Justice ou ceux de M.I.A....), et a donc réaliser deux long- métrages entre deux tournages de clips et de pubs, Notre jour viendra en 2010 et Le Monde est à toi en 2018.
Si le premier était un premier petit essai bâtard un peu trop perché ou personnel sur la révolte sociale et symbolique de 2 roux dans un nord pourri de la France mais avait eu un petit succès critique, son second long- métrage de Romain Gavras a fait sa petite sensation sur la croisette et du coup avec une bonne bande- annonce alléchante, ça donnait envie de le voir.
C'est vrai que le cinéma français est n'est pas au top depuis pas mal de temps malgré quelques bons trucs, mais enfin Gavras fait du bon film d'auteur social et comique. Un mélange subtil entre Tarantino, un Big Lebowski des Coen, un faux- Scarface, et un portrait social de la France de 2018. Un espèce de croisement plutôt passionnant entre comédie sociale bien française et un faux film de gangsters dans un temple de la beauferie espagnole. Et ma foi, vraiment cool et bien !


Alors évidemment Romain Gavras était un peu attendu au tournant puisqu'il sort un casting lourd, un scénario intéressant, et une réalisation au top et très belle, très clipesque, et un film plutôt badass et sympa, avec en plus une affiche vraiment très belle. Donc on se dit : qu'est- ce qu'il va pondre cette fois ?
Et en fait comme beaucoup de spectateurs mes attentes n'étaient pas super élevées, surtout connaissant le bonhomme qui aime bien faire des trucs un peu stylés et dérangeants. Et ouf, j'ai été surpris qu'il n'a pas seulement réalisé un superbe film, mais un des meilleurs cette année !


Ce fut une petite claque franchement. Romain Gavras reprend ce qu'il sait faire de meilleur : prendre son mentor et pote Vincent Cassel, filmer la banlieue comme jamais, avec des dialogues incroyables et un portrait de personnages édifiants pour décrire un peu la France de 2018. Et cette pépite regorge de qualités :
une réalisation au top, à la fois clipesque et utilisant une bande- son absolument magnifique, que cela des moments et des plans ultra beaux mais aussi ultra stylisés (notamment ceux en ralenti), de même que certaines scènes ou séquences cultes à en devenir (tout ce qui touche Vincent Cassel, ses monologues et ses illuminatis, la scène d'introduction à la cité espagnole, la fameuse séquence d'Africa de Toto...).
De plus et c'est plutôt rare dans un film français, tous les décors sont superbes ainsi que la photographie et le montage son sont somptueux, avec une bande- son du tonnerre (tiens, on voit bien l'influence du clip et de Tarantino), qui rythme parfaitement le ton aussi déjanté, dérangé, hilarant que mélancolique du film (les utilisations vont de PNL à Booba en passant par du Voulzy et de Balavoine, oui oui !).
De même que l'atmosphère du film est aussi très bonne : on est dans un truc plutôt à la fois contemplatif voire presque triste pour aller à du comique de situation ou de personnages franchement hilarant (honnêtement cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri dans une salle de cinoche avec un film français), qui permet alors d'aller à trois autres gros points forts du film.
Le premier est évidemment le scénario beaucoup plus riche et dense que l'on pense, qui permet ce voyage initiatique en Espagne pour retrouver le fric afin de devenir distributeur officiel de Mr. Freeze, et qui donne une galerie de personnages savoureux.
Le second est les personnages, qui sont tous parfaitement traités : on voit Gavras les adore et les filme de façon tendre, avec des inteprétations qui sont toutes géniales, mention spéciale à Vincent Cassel en beau- père paumé et ringard obsédé par les illuminatis et Karim Leklou qui est lui aussi excellent en petit dealer qui veut se ranger. Mais loin de moi d'oublier toutes les autres performances qui sont elles- aussi toutes aussi mémorables : de Oulaya Amamra qui tient la petite fille très indépendante à Isabelle Adjani qui elle est la marâtre du héros François mais aussi les 2 Mohamed qui sont hilarants à François Damiens qui joue le méga- beauf qui a réussit et exploite des migrants en pensant être un bienfaiteur lors de plusieurs séquences assez hallucinantes, mais aussi mon petit chouchou Sofiane Khammes qui éclipse quasiment tout le monde en tant que Poutine, le dealer du coin défoncé aussi dérangeant, étrange, que drôle.
Il y aussi le troisième gros point fort qui sont les dialogues qui sont aussi étonnants que vraiment hilarants, en particulier les échanges de Vincent Cassel, mais aussi François et la petite fille anglaise.


Mais avant tout, ce film est un reflet beaucoup plus décalé, déjanté, poétique et plutôt fade de l'état de la France mais aussi de l'Europe en 2018. On va en vacances en Espagne, on s'embrouille avec des écossais, on parle français et anglais, on est avec des renois, rebeus, on écoute du PNL comme du Voulzy. Cela parle de la génération de 2018, d'une Europe et d'une France en transition entre un ancien monde encore régie par la télévision et le nouveau par Internet et les nouvelles technologies, en plus d'un rapport international mais aussi de la famille et de la mère en particulier. Gavras s'amuse des stéréotypes en tous genres pour les démonter un à un, tout en maniant particulièrement bien le mauvais goût et la beauferie voire la crétinerie de ses personnages pour les montrer sous un angle novateur et poétique (d'ailleurs, il filme la banlieue et les trucs moches de façon très belle, permettant au spectateur d'être complètement immergé dans son film).
Un film- hommage aux multiples références, virtuose et malin, Le Monde est à toi est une petite bouffée d'air frais. Honnêtement, j'ai déjà envie d'y retourner et espérons qu'il ait un beau succès commercial car IL LE MERITE.


Alors bien sûr tout n'est pas parfait, il y a même quelques problèmes de rythme et de montage, mais son second long- métrage est une réussite totale, un petit chef d'oeuvre caché qui dit beaucoup plus de choses en images que certains autres films français avec 30 pages de dialogues dans une banale scène de restaurant.

Mathieu_Renard
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le 26 août 2018

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Matt  Fox

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