Lover d'Oz

Depuis L'Armée des Ténèbres, on savait Sam Raimi fan autant incontesté qu'iconoclaste du Magicien d'Oz. En effet le Troisième Evil Dead reprenait la structure du récit à sa sauce : un héros pris dans une tornade surnaturelle se retrouve dans un pays imaginaire et va, à son corps défendant, entreprendre un périple qui sauvera le monde...

C'est donc sans surprise qu'il se retrouve des années après aux commandes d'un projet Disney.
Bon, en fait si, c'est surprenant. Si on m'avait dit en 1993 que dans vingt ans Sam Raimi ferait une grosse production Disney j'aurais eu peine à le croire...
Mais à bien y regarder, il était l'homme de la situation.

Loin d'être un remake nerfé d'Evil Dead 3, Le Monde Fantastique d'Oz s'avère un bon produit. Rythmé, enchanteur, et malin comme un singe volant.
Et à vrai dire ça tient du miracle, si l'on considère les autres tentatives récentes de prendre un classique de la littérature et du cinéma pour lui faire une clé de bras et raconter autre chose. On a tous en mémoire le sinistre Alice Aux Pays des Merveilles de Tim Burton... Produit par Disney.

Décidant donc de raconter comment Oz le Grand et Puissant est arrivé dans le Pays d'Oz et y a instauré une monarchie constitutionnelle, Sam Raimi s'est retrouvé pris entre deux feux. D'une part la nécessité d'ancrer son récit dans un monde déjà vu en 1939, et d'autre part l'interdiction absolue d'en emprunter les éléments !
En effet Le Magicien d'Oz de Victor Flemming fut distribué à l'époque par la MGM et appartient aujourd'hui à Warner Bros. Impossible donc d'en reprendre les éléments marquants, comme par exemple les souliers de rubis. Les avocats ont été jusqu'à faire chier Sam sur la couleur de la peau de la Méchante Sorcière de l'Ouest !

Mais qu'à cela ne tienne, les droits du livre sont dans le domaine public et il peut à volonté raconter cette préquelle et pouvoir faire de multiples clins d'yeux au premier film. Il en emprunte à nouveau la structure, l'idée du passage du noir et blanc à la couleur, de présenter la végétation en un long plan-séquence, Glinda qui voyage à bord d'une bulle, ou le fait de voir les acteurs de la première partie trouver un alter-ego dans le monde d'Oz. Le film vous apprendra pourquoi il y a là bas un Lion peureux, des épouvantails ( qui sont en fer blanc ! ), comment utiliser au mieux le champ de pavots, et d'où est venue l'idée de projeter la tête immense du magicien sur un nuage de fumée.

En résulte un travail d'équilibriste entre citation déguisée et re-création du Magicien d'Oz de Flemming qui, plusieurs jours après, forçait encore mon admiration. Sam Raimi se paye même le luxe de lui envoyer quelques coups de pieds dans les couilles : quand Oz reconnait en Glinda son ancienne flamme du monde réel, il lui demande s'ils ne se sont pas déjà vu quelque part... J'avais toujours trouvé bizarre que Dorothy se laisse berner par des deguisements aussi grossiers.
Et quand les Munchkins apparaissent, interdiction de chanter !

Le casting est irréprochable, la photo sublime, et le film marque les retrouvailles de Sam Raimi avec Danny Elfman pour le plaisir de nos oreilles, même en l'absence de chansons...