Entièrement réalisé en studio pendant la guerre, "Le Narcisse Noir" n'est pas sans conserver les stigmates de cet enferment, d'autant qu'il met en scène un lieu clos par essence (le couvent), et tout le monde ne sera pas sensible à sa beauté lourde et assez kitsch, à la démesure de l'esthétique anti-naturaliste du couple Powell/Pressburger. A partir de son sujet, soit l'implantation paradoxale d'un couvent en territoire hindouiste (la spiritualité "naturelle" de l'Himalaya entrant en concurrence avec celle professée par la religion, qui apparaît bien codée, et, disons-le, dérisoire), le film parle d'abord du conflit plus universel entre spiritualité et sensualité, entre raideur et abandon : c'est dans ses moments inouïs de débordement d'une sensualité chatoyante que "le Narcisse Noir" s'affirme comme une œuvre intime des plus marquantes, un film qui sait merveilleusement évoquer l'écho de la vie enfouie derrière les conventions. [Critique écrite en 1995]