Appeler chaque chose par son véritable nom

Parmi les collines qu'un froid mordant fait recouvrir de son hivernal manteau, s'élève une sombre abbaye habitée d'un mystère d'une semblable teneur. Montés sur âne et cheval, Guillaume de Baskerville et son apprenti Adso de Melk s'engouffrent au cœur même du bourbier, enquêtant sur d'inquiétants décès de moines. Sous la résonance des chants grégoriens explosant en chœurs pénétrants, nos deux compagnons vont mettre à nu des secrets qu'on croyait pourtant sagacement dissimuler au nez et à la barbe de l'abbaye.


En 1986, Jean-Jacques Annaud nous livre l'un de ses plus beaux ouvrages en adaptant Umberto Eco dans un style qui s'avère stupéfiant. De sa Guerre du feu réalisé cinq ans auparavant, Annaud en tire toute sa sourde et pesante violence qu'il distille de plans en plans avec grande complétude. L'ambiance, par son efficacité, emporte, tandis que les masques tombent et que la vérité se révèle, non pas avec effroi mais pitié. Car de la pitié nous en avons pour cette piété, véritable piège de la libre pensée, piège du rire, de l'amour et de la curiosité.


Le Nom de la Rose, outre son titre génial qu'on ne comprend véritablement qu'une fois le générique en plein défilement, le Nom de la Rose, disais-je, est un film d'une grande pertinence quant à son regard sur le catholicisme et la croyance plus généralement. Sans pour autant renverser ce qu'il soulève, Annaud offre ce regard contrasté sur le péché et l'illusion subjective entourant le Christ, sur cette religion qui ne va voir ce dernier que par le prisme de dogmes contemporains.


Il y aussi ces protagonistes qui vont chacun à leur manière incarner quelque chose de fort. Guillaume que l'on pointe comme orgueilleux n'est en outre animé que par le libre arbitre, tout comme Adso dont la jeunesse et la naïveté le poussent à désirer autre amour que le Céleste. Salvatore, notre tour de Babel bossue va lui aussi représenter cette croyance fourvoyée, cette hérésie, par son aspect volontairement repoussant, presque malsain, pour au final n'être que d'une grande innocence. Si tous ces éléments semblent aussi prégnants ce n'est autre que grâce à un jeu constamment lisible sans pour autant tomber dans la simplicité.


Philosophie, amour, mystère et intelligence vont être les ingrédients clés de Jean-Jacques Annaud, ingrédients que nous goûtons aveuglément sans jamais être déçu. Définitivement, un grand film.

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le 15 janv. 2017

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Fosca

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