On se fixe. On ne moufte pas, on assume. On garde la nuque raide et le regard fixe. Ne pas penser à la 5ème de Beethoven, ne pas penser à Kubrick. Il faut reconstituer et remettre les choses dans l'ordre. Je suis en train de me faire laver le cerveau par une pâle copie de thriller, tout me semble embrouillé. Il y avait ce type, ce... Will. Il était prof dans une classe de gamins tellement «difficiles» qu'ils ne savaient pas orthographier le mot «Fuck».
Oui c'est ça, Will. Il avait une femme pédante et superficielle, et ils avaient l'air d'être heureux, ils se passaient des colliers autour du cou dans un club branché de la Nouvelle Orléans, et il lui offrait des bijoux très chers parce que c'est comme ça qu'on montre en 15 secondes de film qu'un homme aime sa femme.
Donc ils étaient heureux, je suppose. Puis lui est allé jouer aux échecs dans un club comme tout bon prof de littérature, et il a consciencieusement éteint son téléphone pendant qu'elle se faisait violer par un salaud dans une rue très éclairée. En allant voir sa femme il était triste, alors il cassait une poubelle dans les toilettes de l'hôpital. Et puis, cet autre gars, ce... Simon ? Il inspirait la confiance, avec son costard à 12 briques, son air de démineur russe et son calme bovin. C'est pour ça que Will acceptait son offre –qui ne l'eût fait ?- et échangeait le meurtre du violeur de sa femme contre un «petit service ultérieur».
Will est pas con, il est déjà chez Free lui, on la lui fait pas. Il sait parfaitement où il met les pieds.
Ensuite tout s'est accéléré, et ça a empiré. Le violeur, qui portait des Python boots et buvait son whisky au goulot dans sa tanière de sadique sale et méchant, se fait trouer la peau. La femme de Will oublie toute cette histoire, tout ça s'est passé il y a 6 mois. Elle a tourné la page, même si elle se procure une arme et demande un verrou de plus à la porte de l'appartement.
Mais contre toute attente (vite fait), Simon revient à la charge et demande à Will de tuer un type. Will refuse et se met toute l'organisation à dos, et les flics. Il est seul contre tous, alors il braque une super bagnole qui lui permet de semer des flics, de lire les DVD de preuves amassées ça et là, de passer des coups de fil, d'enfoncer un Box de stockage, de dormir et de se la péter devant le voiturier. Ce faisant, il mène son enquête. Il remonte toute la filière et se fait blanchir à tous niveaux, non sans un carnage final dans un centre commercial dévasté. «C'est tout de même fou, hein, que ce centre commercial soit toujours abandonné depuis le passage de l'ouragan !» Merci Simon, je me demandais aussi.
Une fin obscure qui ressemble à l'annonce d'un second opus provoque quelques soupirs étouffés dans l'assemblée. Attendez voir. L'assemblée ?
C'était donc bien ça, la dure vérité me rattrape. Les lumières s'éteignent et je risque un coup d'œil alentour. Une foule informe se faufile vers la sortie de la salle, l'œil hagard, le sourcil ras. Esquivant les multiples flaques de matière grise fondue qui jonchent le sol, je m'arrache à l'obscurité et me rue devant l'affiche qui orne la porte de ma prison. Le Pacte. Je m'étais pourtant juré...