Après le coup d’éclat du premier volet, Coppola et Puzo se donnent les moyens de l’ambition de leur projet. Plus ample, plus long, le film s’inscrit dans une suite logique presque aussi parfaite que le précédent.


Le film se construit autour de deux axes majeurs : la construction et le mythe fondateur, la consolidation opposés à la déliquescence inévitable de l’empire et de ses valeurs.


Le flash-back des origines de Vito a tout du mythe originel : meurtres fondateurs, dans une Sicile écrasée de soleil à laquelle succéderont les rues animées du New York de 1901. La lente ascension de Vito est un négatif de la tentative de Michael de rester au sommet. Vito fonde une famille, et se crée une place en se rendant indispensable au peuple qui l’entoure. Il rend des services et s’attache la dépendance de ses protégés, tuant celui qui les rackettait. Sauve la veuve de l’expropriation et exige qu’elle garde son chien…


De son côté, Michael voit tout en trop grand. La famille attire les brebis galeuses par les pièces rapportées, les hommes politiques, se démène avec une histoire qui bouleverse ses plans à Cuba.
Les plans se complexifient, et si l’on promet de légaliser l’entreprise, rien ne le permet. La mécanique tragique est en marche et les vaines stratégies sont inopérantes. Bluff, mensonges, trahisons se succèdent et montrent des hommes finalement impuissants.


Michael ploie mais ne rompt pas, et tue froidement à peu près tous ceux qui l’entourent pour stabiliser un monde qui lentement s’étend. Et la famille, cette valeur suprême, n’échappe pas à la gangrène : après le beau-frère dans la première partie, son frère y passe, et son épouse va jusqu’à avorter pour tenter d’enrayer le mal.
Le film se déploie en scènes plus collectives, jouant davantage sur l’ellipse et le panoramique. Mais l’esprit reste identique : tout le monde est perdant et Pacino, toujours aussi sobre, fermé et glaçant, ne parvient qu’à sauver la vitrine de sa morbide entreprise.


Une fois encore, le film est ponctué de scènes majeures et marquantes : l’enterrement sicilien du père qu’accompagne l’assassinat du fils aîné, la poursuite depuis les toits par Vito du parrain local, le meurtre du frère sur sa barque.


« Les temps ont changé », dit Michael. Dans l’une des rares scènes où il se met à nu, c’est pour demander à sa mère comment faisait le père pour tenir tout cela, ce à quoi le spectateur a droit par le récit parallèle des origines. Si celles-ci contribuent à la stature plus que méliorative du Parrain initial, elles montrent aussi la mise en place d’un mécanisme criminel dont les conséquences sont à assumer par un fils exténué face à tant de puissance.


Présentation détaillée et analyse en vidéo lors du Ciné-Club :


https://youtu.be/bF5hQim41bE

Sergent_Pepper
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Politique, Historique, Psychologique, Gangster et Violence

Créée

le 25 nov. 2013

Modifiée

le 22 juin 2013

Critique lue 4.2K fois

110 j'aime

26 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 4.2K fois

110
26

D'autres avis sur Le Parrain - 2e Partie

Le Parrain - 2e Partie
Artobal
9

Merci pour le Coppola

Si le premier Parrain était un "film de parole", mélange entre drame intime et film noir, une histoire de pacte familial transmis dans le sang et les génuflexions (grand film, faut-il le préciser),...

le 17 oct. 2022

87 j'aime

12

Le Parrain - 2e Partie
Vincent-Ruozzi
10

Corleone, père et fils

Cette seconde partie du Parrain est peut-être la plus complexe et la plus ambitieuse de la trilogie de Francis Ford Coppola. La force des liens du sang prend une portée plus dramatique encore que...

le 4 juin 2016

77 j'aime

7

Le Parrain - 2e Partie
Docteur_Jivago
10

La tragédie sanglante

Suite à l'immense succès du Parrain, Francis Ford Coppola met d'abord en scène Conversation secrète avant de se lancer dans la suite de la saga sur la famille Corleone (ce qui lui permettra de faire...

le 28 mai 2016

72 j'aime

5

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

764 j'aime

103

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

698 j'aime

49

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

612 j'aime

53