Cible humaine

Ohlala, je vois des notes pas fameuses sur cette fiche de film, ça me rend triste, il va encore falloir que je le réhabilite, c'est parti !
J'ai souvent vu ce western lorsque j'étais enfant et ado, il passait souvent à la télé, et dans les années 80, je l'avais revu à la Dernière Séance, et si M'sieu Eddy l'a diffusé, c'est qu'il l'aimait bien aussi, je sais qu'il est fan de Richard Thorpe, et il n'avait pas l'habitude de nous fourguer des navets en western. Moi je l'ai toujours bien apprécié, et même encore de nos jours, je le trouve divertissant. Ce n'est certes pas un chef d'oeuvre du genre, et d'ailleurs il n'a pas la prétention de briguer cet honneur, c'est juste une série B bien sympathique et de qualité dans la bonne vieille tradition du Far West.
Réalisateur prolifique, Richard Thorpe a réalisé pas mal de westerns, pour son dernier film, il y revient pour le plaisir de diriger Glenn Ford et la superbe Angie Dickinson qui était à l'époque en pleine gloire. Le thème n'a rien d'inédit, il avait été déjà traité par Henry King dans l'admirable Cible humaine en 1950, et aussi dans la Première balle tue en 1956, excellente série B avec le même Glenn Ford, je trouve d'ailleurs que ce film lorgne un peu plus vers la Première balle tue puisque le personnage de Ford est devenu sherif après un passé agité, alors que celui de Johnny Ringo incarné par Gregory Peck dans le film de King, était un vrai gunfighter à la limite de la légalité.
Le titre français est totalement ridicule comme c'était souvent le cas, les distributeurs français n'avaient aucune imagination, le film aurait pu aussi bien s'appeler "le Pistolero", mais il n'y a ici point de rivière Rouge, en tout cas ce n'est pas la faute de Thorpe qui signe ce film avec intelligence en ajoutant au cadre westernien le suspense d'une action qui va crescendo jusqu'à la fin, mais sans posséder de densité psychologique ou d'ambiguïté, c'est peut-être ce qui manque et qui déçoit certains amateurs de westerns ici, enfin quoi qu'il en soit, c'est une série B qui n'a pas envie de s'encombrer de ces éléments, il ne s'y passe sans doute pas grand chose de neuf au niveau péripéties, et il y a des idées parfois surprenantes ou amusantes, mais en réalité, c'est typique des westerns hollywoodiens de la fin des années 60, tout comme la Caravane de feu, les Cent fusils, l'Or de McKenna, 5 cartes à abattre ou les Géants de l'Ouest... tous des westerns pas vraiment sérieux, au ton parfois débonnaire mais plaisants et suivant les rails de la tradition classique.
A la fin de la décennie et au début de la suivante, le western hollywoodien va changer, il va devenir plus violent, crépusculaire, sombre, torturé et fera exploser les codes avec des oeuvres comme la Horde sauvage, Little Big Man ou Pat Garrett et Billy le Kid... il ne faut donc pas chercher à comparer notre "Pistolero" avec cette nouvelle tendance, ici, on préserve les traditions avec quelques bonnes idées (comme le fait que Glenn Ford va à la pêche avant son duel) et une certaine nostalgie. Glenn Ford y trouve un bon rôle, parfois facétieux, bien entouré par la belle Angie, Jack Elam et sa vilaine tête, Chad Everett, Gary Merrill et Royal Dano... Pour moi, Thorpe clôture sa carrière en beauté.