Le Plongeon par busterlewis

L'histoire intrigue. Elle peut même sembler ridicule lorsqu'on s'arrête à la lecture du synopsis. Comment être tenté de regarder un film dont l'histoire est celle d'un homme qui a décidé de rejoindre sa maison en traversant toutes les piscines de son voisinnage et qui forment une "rivière" artificielle jusqu'à sa domicile ? Un homme qui nage de piscine en piscine, bien. Et alors ?

Et alors, quelle histoire ! Quel prétexte pour déchirer l'Amérique petit bourgeois. Ce qui intéresse Frank Perry, c'est de faire se rencontrer son personnage (que l'on prend pour un idéaliste au départ) avec ses différents voisins qui, eux, représentent à chaque fois, ou un type d'américain, ou bien une période de sa vie.

En remontant ce cours d'eau jusqu'à chez lui, Ned (Burt Lancaster) remonte le cours de sa propre existence. Ned est dans le déni total et le sera tout au long du film. Au départ, le déni est vu comme de l'originalité, de l'excentricité. Ned n'est pas un homme comme les autres. Alors que ses riches amis boivent des martinis au bord de leur piscine, lui ne pense qu'à nager, comme un retour aux sources. Il est presque nu, ne portant qu'un simple maillot de bain. On sent qu'il veut retourner à l'origine des choses et ne plus penser. Il veut simplement retrouver sa femme et ses deux filles, mais dans une temporalité où tout allait bien, où tout était simple.

Durant une bonne partie du film, le spectateur demeure dans la confusion. Mais à chaque nouvelle rencontre (qui est au fur et à mesure de sa progression moins sympathique et plus brutale), nous glanons des informations. Après tout, ce n'est peut-être pas Ned le mec normal. The Swimmer n'est pas une simple critique de l'Amérique petit bourgeois à travers le parcours de cet homme excentrique. Lui aussi est atteint. Lui aussi est malade. Lui aussi est un petit salaud de bourgeois, ou plutôt il l'était. Aujourd'hui, il tente de ramasser les morceaux. En allant de voisin en voisin, il veut retrouver sa noblesse passée, sa maîtresse d'autrefois où il était roi.

Mais c'est l'épreuve de la piscine municipale qui reste la grande scène du film. Sans un sous et face aux américains moyens dont il est débiteur, il ne peut que nager à contre-courant et baisser la tête.

Oui, Ned a beau nager, il a beau remonter le cours de sa vie et revoir la galerie de portraits de son ancienne existence, il ne peut que se heurter à une porte close. Sa vie passée est belle et bien révolue, à lui de l'accepter ou non.